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DANS LA MONTAGNE

un de ces endroits où la paroi de la gorge surplombe.

Ils étaient partis à plusieurs lanternes, avec des cordes et des crocs, chacune des lanternes faisant une tache ronde sur les pierres et la terre allant en arrière, parce que c’est de nouveau une troupe en chemin, mais on n’a rien pu découvrir. Il n’a pas été possible de rien découvrir, ni du mulet, ni de sa charge, même quand le jour fut venu et même quand un des hommes se fut laissé descendre dans la gorge au bout d’une corde.

On la lui avait attachée sous les bras ; il disait : « Attendez… Bon ! vous y êtes ?… Eh bien, allez-y… » il se laissait aller quelques mètres. Puis, de nouveau, il s’est laissé aller quelques mètres, passant d’une saillie de roc à l’autre et jusqu’à ce qu’il fût arrivé à la dernière, laquelle avançait singulièrement sur le lit même du torrent ; là, il a pu tout voir, c’est-à-dire qu’on ne voyait rien.

Il y avait seulement cette eau verte, lisse, profonde, cette eau morte, et qui vous donnait froid rien qu’à la regarder ; elle tournait lentement sur elle-même dans les poches du roc, tout en se soulevant par