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Page:Revue de Paris, tome 25, 1831.djvu/13

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je ne sais quoi qui n’a pas plus de nom que d’ame, comme ce qui reste du cadavre dont parle Tertullien.

Voilà ce qu’est l’écriture ; et les premiers peuples qui en firent usage le savaient si bien, car leur dégénération était encore peu avancée, qu’ils n’osèrent de long-temps s’en servir pour exprimer des idées solennelles, de peur d’en avilir le sens moral, et que Pythagore désignait Dieu, comme les Hébreux, par une périphrase respectueuse : celui dont le nom pourrait s’écrire en quatre lettres.

À mesure que le principe matériel a prévalu, et que la chute des sociétés s’est accélérée vers son terme inévitable, cet artifice profane est devenu la science des nations. L’homme imaginant et pensant n’est plus distingué entre les hommes ; c’est l’homme écrivant, c’est-à-dire l’automate que de stupides études ont amené au point d’exprimer des besoins aussi grossiers que lui avec des barres, des ronds, des diagonales, des horizontales, des pleins, des déliés, et à tourner un style ou un tube entre ses doigts, comme le bâton d’un singe ou la baguette d’un perroquet.

Combien, sous le rapport de l’intelligence, les premiers temps du genre humain l’emportaient cependant sur les nôtres ! L’imagination cède, accablée sous le poids des impressions qu’elle éprouve, quand elle voit avec quelle rapidité ces Briarées de la civilisation s’emparèrent de toutes les idées et de toutes les grandeurs de l’avenir, pour ne lui laisser que l’humiliation de l’impuissance.

Alors se creusaient ces lacs immenses qui assainissaient de vastes régions ; alors s’ouvraient les irrigations salutaires, alors se mesuraient les débordemens périodiques des fleuves qui les enrichissent ; alors se construisaient les premiers vaisseaux qui allèrent conquérir, sur des rives inconnues, des fruits et des toisons d’or ; alors se dressaient, superbes, ces obélisques, vainqueurs du temps, ces étonnantes pyramides qui sont encore, comme autrefois, la merveille du monde ; alors le berger chaldéen, qui ne savait lire que dans le ciel, qui ne savait écrire qu’en peignant ce qu’il voyait, confiait aux rochers le portrait de l’univers ; et l’homme, qui traçait, dans ces images immortelles, l’histoire des révolutions des