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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/173

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L’ENFANT MAUDIT.

promptement réprimé, au moment où le frater lui prophétisa la mort de l’avorton.

Le rebouteur, dont les paroles venaient de sauver l’enfant, s’était empressé de le rapporter près de la mère. Il la trouva évanouie. Elle avait tout entendu, car il n’est pas rare de voir, dans les grandes crises, les organes de l’homme contracter une délicatesse inouie.

Maître Beauvouloir montra au comte, par un geste ironique, l’état dans lequel leur débat avait mis l’accouchée ; cependant les cris de l’enfant qu’il posa sur le lit rendirent, comme par magie, la vie à la comtesse.

La pauvre dame crut entendre la voix de deux anges, quand, à la faveur des vagissemens du nouveau-né, le rebouteur lui dit à voix basse, en se penchant à son oreille :

— Ayez-en bien soin, il vivra cent ans !… Beauvouloir s’y connaît !

Un soupir céleste, un mystérieux serrement de main furent la récompense du rebouteur, qui cherchait à s’assurer, avant de livrer aux embrassemens de la mère impatiente cette frêle créature dont la peau portait encore l’empreinte des doigts du comte, si la caresse paternelle n’avait rien dérangé dans sa chétive organisation.

Le mouvement de folie par lequel la mère cacha son fils auprès d’elle, et le regard menaçant qu’elle jeta sur le comte par les deux trous du masque, firent frissonner le frater.

— Elle mourrait, si elle perdait trop promptement son enfant ! dit-il au comte vers lequel il s’élança.

Pendant cette dernière partie de la scène, le sire d’Hérouville semblait être devenu plus farouche. Il n’avait rien vu ni rien entendu. Restant immobile et comme absorbé dans une profonde méditation, il avait recommencé à battre du tambour avec ses doigts sur les vitraux ; mais après la dernière phrase que lui dit le rebouteur, il se retourna vers lui par un mouvement d’une violence frénétique, tira sa dague, et s’écria :

— Misérable manant !