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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/181

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L’ENFANT MAUDIT.

en s’avançant vers le comte et lui tendant son front avec soumission pour y recevoir un baiser.

— Si j’avais été prévenue de votre arrivée…

— La réception, dit le comte en l’interrompant, eût été plus cordiale et moins franche.

Il avisa l’enfant, et l’état de santé dans lequel il le revoyait lui arracha d’abord un geste de surprise empreint de fureur ; mais réprimant soudain sa colère, il se mit à sourire.

— Je vous apporte de bonnes nouvelles… reprit-il. J’ai le gouvernement de Champagne, et la promesse du roi d’être fait duc et pair ; puis, nous avons hérité d’un parent… Ce maudit huguenot de Chaverny est mort.

La comtesse pâlit et tomba sur un fauteuil. Elle devinait le secret de la sinistre joie répandue sur la figure de son mari, et que la vue d’Étienne semblait accroître. C’était le rire d’un démon.

— Monsieur, dit-elle d’une voix émue, vous n’ignorez pas que j’ai long-temps aimé mon cousin de Chaverny. Vous répondrez à Dieu de la douleur que vous me causez…

À ces mots, le regard du comte étincela, et ses lèvres tremblèrent sans qu’il pût proférer une parole, tant il était ému par la rage ; mais, enfin, jetant sa dague sur une table avec une telle violence que le fer résonna comme un coup de tonnerre :

— Écoutez-moi !… cria-t-il d’une voix étourdissante, et souvenez-vous de ceci ! Je veux ne jamais entendre ni voir le petit monstre que vous tenez dans vos bras. Il est votre enfant et non le mien… A-t-il un seul de mes traits ?… Jour de Dieu ! cachez le bien, ou sinon…

— Juste ciel !… cria la comtesse.

— Silence !… répondit le colosse. Si vous ne voulez pas que je le heurte, faites en sorte qu’il ne se rencontre plus sur mon passage…

— Alors, reprit la comtesse qui se sentit le courage de lutter contre son tyran, jurez-moi de ne point attenter à ses