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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/185

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L’ENFANT MAUDIT.

de bonheur que dans une humble sphère de calme et de silence, lui avait donné tous les goûts de la solitude. Ainsi, la bibliothèque du cardinal d’Hérouville fut, en quelque sorte, son héritage. La lecture devait remplir sa vie. Pour le dédommager de ses infirmités, la nature l’avait doué d’une voix si mélodieuse, qu’il était difficile de résister au plaisir de l’entendre. Sa mère lui enseigna la musique, et quelque chant tendre et mélancolique, soutenu par les accens d’une mandoline, fut un de ses trésors… La studieuse poésie, dont les riches méditations nous font parcourir en botaniste les vastes champs de la pensée ; la féconde comparaison des idées humaines, l’exaltation que nous donne la parfaite intelligence des œuvres du génie, devinrent les inépuisables et tranquilles félicités de sa vie rêveuse et solitaire. Enfin, les fleurs, créations ravissantes, dont la destinée avait tant de ressemblance avec la sienne, eurent tout son amour. Aussi, heureuse de voir à son fils des passions innocentes qui le garantissaient du rude contact de la vie sociale auquel il n’aurait pas plus résisté que la plus jolie dorade de l’océan n’eût soutenu sur la grève un regard du soleil, la comtesse encouragea les goûts d’Étienne, en lui apportant des romanceros espagnols, des motets italiens, des livres, des sonnets, des poésies… Et chaque matin, il trouvait sa solitude peuplée de jolies plantes aux riches couleurs, aux suaves parfums.

Ses lectures, auxquelles sa frêle santé ne lui permettait pas de se livrer long-temps, et ses faibles exercices au milieu des rochers, étaient interrompus par de naïves méditations qui le faisaient rester des heures entières devant ses riantes fleurs, ses douces compagnes, ou tapi dans le creux de quelque roche en présence d’une algue, d’une mousse, d’une herbe marine dont il étudiait les mystères.

Il cherchait une rime au sein des corolles odorantes comme l’abeille y eût été butiner son miel. Il admirait même souvent sans but, et sans vouloir s’expliquer son plaisir, les filets délicats imprimés en couleur foncée sur les pétales, la