Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
LITTÉRATURE.

comme un ange du ciel… Si de joyeuses, de lutines, de blanches vapeurs lui jetaient un réseau vague, comme un voile au front d’une fiancée, il en suivait les ondulations et les caprices avec une joie délicieuse… C’était un charme pour lui que de la trouver coquette au matin comme une femme qui se lève, fraîche, rouge, encore toute endormie…

Sa pensée, mariée avec cette grande pensée divine, le consolait dans sa solitude, et les mille jets de son âme avaient peuplé son étroit désert de fantaisies sublimes. Pur comme un ange, vierge des idées sociales qui dégradent tant les hommes, naïf comme un enfant, il vivait comme une mouette, comme une fleur, prodigue seulement des trésors d’une imagination poétique : tantôt s’élevant jusqu’à Dieu par la prière, tantôt redescendant, humble et résigné, jusqu’au bonheur paisible de la brute ; incroyable mélange de deux créations. Pour lui, les étoiles étaient les fleurs de la nuit ; le soleil, un père ; les oiseaux, des amis. Partout il plaçait l’âme de sa mère : souvent il la voyait dans les nuages, il lui parlait, et ils communiquaient réellement ensemble par des visions célestes… Il y avait des jours où il entendait sa voix, où il admirait son sourire, des jours où il ne l’avait pas perdue… Dieu semblait lui avoir donné la puissance des anciens solitaires, des sens intérieurs plus parfaits, des forces morales inouies qui lui permettaient d’aller plus avant que les autres hommes dans les secrets des œuvres immortelles. Ses regrets et sa douleur étaient comme des liens qui l’unissaient au monde des esprits. Il y pénétrait, armé de son amour, pour y aller chercher sa mère, réalisant ainsi, par les sublimes accords de l’extase, la fabuleuse entreprise d’Orphée… Il s’élançait dans l’avenir, dans le ciel, comme de son rocher il volait sur l’océan d’une ligne à l’autre de l’horizon.

Souvent aussi, quand il était tapi au fond d’un trou profond capricieusement arrondi dans un fragment de granit, et dont l’entrée avait l’étroitesse d’un terrier ; quand, doucement éclairé par les chauds rayons du soleil qui passaient par des