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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/345

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RÉVOLUTION POLONAISE.

ces soupçons étaient fondés. Et puis, faut-il le dire, les Polonais espéraient dans les secours de la France. Le changement du ministère français, et les opinions connues de M. Lafitte, firent cesser toute incertitude.

Lelewel avait jugé, avec raison, que les membres de la grande société patriotique qui n’avaient pu s’accorder sur les moyens d’exécution, et qui d’ailleurs, refroidis par l’âge, redoutaient le contact du peuple, étaient peu propres à opérer activement une révolution. Il s’adressa à la jeunesse, dont il forma une vaste association, qui bientôt remplaça la grande société patriotique. Le but apparent de cette association était la réunion de la grande famille slave, son but réel la délivrance de la Pologne.

La petite société, considérablement augmentée depuis les événemens de juillet, se tenait prête à commencer la révolution ; elle n’attendait que le consentement de Lelewel. Dans la journée du 21 novembre, elle lui envoya une députation composée de ses trois principaux chefs, Zaliwski, Xavier Bronikowski et Pierre Wysocki, pour se concerter avec lui sur les moyens d’organiser l’insurrection. Lelewel satisfit à leur impatience, et déclara que le moment favorable était venu. Le 29 novembre fut fixé pour le grand jour de l’insurrection polonaise.

Le 29 donc, sur les sept heures du soir, un officier donna le signal dans les casernes des porte-enseignes, et les voûtes retentirent des premiers cris de liberté et de vengeance. « Aux armes, mes frères ! l’heure de la liberté a sonné ! » Les braves saluèrent en passant la statue de Sobieski, et, sous les auspices de cette grande ombre, marchèrent sur le Belvédère ; désarmant les postes, criblant de balles tout ce qui s’opposait à leur passage, ils s’emparèrent des chevaux de l’ennemi, et se dispersèrent pour frapper sur tous les points à la fois son imagination épouvantée. Une foule de ces jeunes conspirateurs se précipita dans la maison qu’habitait Lelewel, le priant de se mettre à leur tête. Son père, vieillard octogénaire, était au lit de mort. Lelewel ne pouvait le