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RÉVOLUTION POLONAISE.

le grade de licenciers en droit ; il pensait de très-bonne foi qu’un ennemi du système éclectique écossais, appliquant ses idées absolues à la politique, serait un fort dangereux citoyen.

Le 5 décembre, Czartoryski et Niemcewicz (secrétaire du sénat), se rendirent auprès de Chlopicki pour l’inviter à reprendre le commandement de l’armée. Czartoryski rapporta son refus au gouvernement ; mais sur les deux heures après midi, Niemcewicz, qui était resté auprès de lui, apporta, de son côté, une espèce d’acte dans lequel on déclarait Chlopicki investi de l’autorité suprême de l’état, avec le titre de dictateur. Frappé de stupeur, le gouvernement provisoire, voulant prévenir toute division, se hâta de rédiger un acte légal qui nommait Chlopicki généralissime de l’armée, avec une autorité presque dictatoriale : il espérait que le général s’abstiendrait de toute démarche arbitraire.

Chlopicki, accompagné d’un officier supérieur, se rendit dans le lieu des séances du gouvernement, laissant un grand nombre d’officiers dans la salle des pas-perdus. « On a eu l’audace de m’envoyer ce papier, dit-il en jetant sur la table son acte de nomination ; je n’en ai pas besoin, et je déclare que dès ce moment je prends de mon chef l’autorité de dictateur, jusqu’à l’ouverture de la diète, qui aura lieu dans quinze jours. » Puis, sans rien écouter, il alla passer l’armée en revue, et lui annonça lui-même cette nouvelle. Ignorant tout ce qui s’était passé, et croyant l’autorité dictatoriale confiée à Chlopicki par le gouvernement provisoire, le peuple y donna hautement son assentiment.

Le lendemain, le dictateur annonça au gouvernement provisoire qu’il lui confirmait son titre ; il nomma lui-même les ministres, et s’occupa activement des affaires publiques. Il faut chercher les motifs de cette usurpation de Chlopicki dans ses opinions politiques. Il a passé la plus grande partie de sa vie avec les Français ; instruit par leur révolution, et professant la plus haute estime et une profonde reconnaissance pour la mémoire de Napoléon, il avait conçu