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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/506

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LITTÉRATURE CRITIQUE.

procéder si régulièrement avec un homme qui étale si peu de prétentions, qui écrit des mémoires charmans, comme par distraction, et sans savoir par où il finira. La Critique ne sait où elle en est à l’aspect d’un homme pareil ; elle se rengorge (la pédante qu’elle est) et passe fièrement, comme on fait quand on ne sait que dire. Quel bonheur pour moi que la Critique, cette vénérable vieille, me soit si étrangère et si odieuse ! s’il m’eût fallu la lâcher sur ce léger recueil, je n’aurais su par quel bout le lui faire prendre dans le peu de mauvaises dents qui lui restent. Quel bonheur d’être délivré de sa maussade présence ! Je n’aurai plus qu’à m’asseoir au bord de la mer, et à regarder avec ma longue vue ce que M. Merle me montre, non dans un grand panorama, mais par une suite de jolis tableaux, frais et vifs, colorés, moqueurs et hardis, comme ceux de Decamps l’oriental.

Voici d’abord le départ de la flotte. Qu’elle est brillante et bien pavoisée ! Je veux vous la montrer ; prenez ma lunette et… lisez :

« À midi la brise se fit belle et bonne, et à deux heures on fit signal au convoi d’appareiller. Ce signal avait été précédé du départ du brick le Ducouédic, le premier bâtiment de l’escadre qui soit sorti de la rade ; la Créole, que montait le capitaine Hugon, commandant du convoi, le suivit de près, et successivement tous les bâtimens de transport mirent à la voile. La nouvelle du départ de la flotte fut bientôt sue à Toulon ; au même instant, le port et les collines qui dominent la rade furent couverts de monde. De toutes les parties de la France on était venu en Provence pour jouir du coup-d’œil des apprêts de cette grande expédition, dont le commerce de la Méditerranée devait retirer de si grands avantages. Le départ, si long-temps retardé, devint un grand événement dont tout le monde voulait être témoin. Quatre cents voiles sortant à la fois de la belle rade de Toulon, étaient un spectacle qu’on n’avait jamais vu, et que très-probablement on ne devait jamais revoir. À trois heures, l’ordre fut donné à l’escadre d’appareiller, et au même instant, tous les vaisseaux furent en mouvement ; frégates, corvettes,