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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/542

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LITTÉRATURE.

cendre pour prendre dans ses bras une jeune fille au teint blanc, aux cheveux noirs, petite, mignonne, et dont la beauté délicate attira l’attention de tous les oisifs qui se promenaient sur la terrasse.

Le vieillard saisit la jeune personne par la taille quand elle se montra debout sur le bord de la voiture ; puis, elle passa un de ses bras autour du cou de son galant conducteur, qui la mit sur le trottoir, sans que la moindre garniture de sa robe en reps vert eût été froissée.

Elle prit familièrement le bras de l’inconnu, qui, remarquant les regards d’envie jetés à sa compagne par quelques groupes de jeunes gens émerveillés, parut oublier pour un moment la tristesse dont son visage était empreint. Il semblait arrivé depuis long-temps à cet âge où les hommes sont réduits à se contenter des trompeuses jouissances de la vanité.

— L’on te croit ma femme !… dit-il à voix basse à la jeune personne, en se redressant et en marchant avec une lenteur qui la désespéra.

Il paraissait avoir de la coquetterie pour elle, et jouissait, peut-être plus qu’elle-même des œillades de côté que de jeunes curieux lançaient sur ses petits pieds chaussés par des brodequins en prunelle puce, sur une taille délicieuse dessinée par une robe à guimpe, et sur le cou frais qu’une collerette brodée ne cachait pas entièrement. Enfin, pour dernier attrait, les mouvemens de la marche, relevant par instans la robe de la jeune fille, permettaient de voir, au-dessus des brodequins, un bas blanc et bien tiré, qui révélait aux flâneurs charmés la perfection d’une jambe élégante et fine.

Aussi, plus d’un promeneur dépassa-t-il le couple mystérieux pour admirer ou pour revoir une figure, ombragée d’un chapeau vert doublé de satin rose, autour de laquelle se jouaient quelques rouleaux de cheveux bruns. Une malice douce animait deux beaux yeux noirs, fendus en amande, surmontés de sourcils bien arqués, bordés de longs cils, et qui semblaient nager dans un brillant fluide. Le reflet du