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LITTÉRATURE.

brise matinale un peu froide, réfléchissaient les scintillemens du soleil sur les vastes nappes que déploie cette majestueuse rivière. Puis, çà et là, des îles verdoyantes se succèdent, dans l’étendue des eaux, comme les chatons d’un collier. De l’autre côté du fleuve, les plus belles campagnes de la Touraine déroulent leurs trésors à perte de vue ; car l’œil n’a, dans le lointain, d’autres bornes que les collines du Cher, chargées de châteaux, et dont les cimes dessinaient en ce moment des lignes lumineuses sur le transparent azur d’un beau ciel.

À travers le tendre feuillage des îles, au fond du tableau, Tours semble, comme Venise, sortir du sein des eaux ; et les campanilles grises de sa vieille cathédrale s’élancent dans les airs, où elles se confondaient alors avec les créations fantastiques de quelques nuages blanchâtres.

Mais un peu au-delà du pont sur lequel la voiture était arrêtée, le voyageur aperçoit devant lui, et tout le long de la Loire jusqu’à Tours, une chaîne de rochers qui, par une fantaisie de la nature, paraît avoir été posée pour encaisser le fleuve. Cette longue barrière, dont la Loire semble vouloir ronger la base, présente un spectacle qui fait toujours l’étonnement du voyageur. En effet, le village de Vouvray se trouve comme niché dans les gorges et les éboulemens de ces rochers, qui commencent à décrire un coude à cet endroit ; et, depuis Vouvray jusqu’à Tours, cette chaîne de montagnes, dont les anfractuosités ont quelque chose d’effrayant, est habitée par une population de vignerons. En plus d’un endroit, il n’y a pas moins de trois étages de demeures creusées dans le roc, et réunies par de dangereux escaliers taillés dans la pierre blanche. Au sommet d’un toit, une jeune fille en jupon rouge court à son jardin. La fumée d’une cheminée s’élève entre les sarmens et le pampre naissant d’une vigne. Des closiers labourent leurs champs perpendiculaires. Une vieille femme, tranquille sur un quartier de la roche éboulée, tourne son rouet sous les fleurs d’un amandier, et regarde passer les voyageurs à ses pieds, en souriant de leur effroi ; car elle ne s’inquiète pas plus des crevasses du sol que