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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/568

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LITTÉRATURE.

leurs vives qui animaient le teint de Julie, changèrent insensiblement, et que sa figure prit des tons mats et pâles. En perdant son éclat primitif, Julie devenait moins triste. Parfois la marquise amenait sa jeune parente à des élans de gaîté, à des rires folâtres, bientôt réprimés par une pensée importune. Elle devina que, ni le souvenir paternel, ni l’absence de Victor, n’étaient la cause de la mélancolie profonde, qui jetait un voile sur la vie de cette jeune femme ; et la marquise soupçonnait tant de choses, qu’il était difficile qu’elle pût s’arrêter à la véritable cause du mal, car nous n’inventons jamais rien, et nous ne rencontrons le vrai que par hasard peut-être.

Un jour que Julie avait laissé briller aux yeux de sa tante étonnée un oubli complet du mariage, une folie de jeune fille étourdie, une candeur d’esprit, un enfantillage digne du premier âge, et cet esprit délicat et parfois si profond qui distingue les jeunes personnes en France, la marquise résolut de sonder les mystères de cette âme, dont le naturel extrême équivalait à une impénétrable dissimulation. La nuit approchait ; les deux dames étaient assises devant une croisée qui donnait sur la rue ; Julie avait repris un air pensif ; un homme à cheval vint à passer.

— Voilà une de vos victimes !… dit la marquise. Madame d’Aiglemont regarda sa tante d’un air surpris.

— C’est un jeune Anglais, un gentilhomme, sir Arthur Grenville. Son histoire est intéressante. Il est venu à Montpellier en 1803, espérant que l’air de ce pays, qui lui était recommandé par les médecins, le guérirait d’une maladie de poitrine à laquelle il devait succomber. Comme tous ses compatriotes, il a été arrêté par Bonaparte lors de la guerre, que ce monstre-là ne saurait se passer de faire. Par distraction, ce jeune Anglais s’est mis à étudier sa maladie, que l’on croyait mortelle. Insensiblement, il a pris goût à l’anatomie, à la médecine ; il s’est passionné pour cet art-là, ce qui est fort extraordinaire chez un homme de qualité ; mais le Régent aimait bien la chimie !… Bref, sir Arthur a fait des pro-