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Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/71

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LA ROSE ROUGE.

amoncelées, le curé de Sainte-Marie de Rhé disait une messe, des vieillards entouraient l’autel, une torche à la main, et tout à l’entour des femmes, des enfans, priaient à deux genoux. Entre les républicains et ce groupe, une muraille d’hommes était placée, et sur un front plus rétréci présentait le même plan de bataille pour la défense que pour l’attaque : il eût été évident qu’ils avaient été prévenus, quand même on n’eût pas reconnu au premier rang le guide qui avait fui ; maintenant c’était un soldat vendéen avec son costume complet, portant sur le côté gauche de la poitrine le cœur d’étoile rouge qui servait de ralliement, et au chapeau le mouchoir blanc qui remplaçait le panache.

Les Vendéens n’attendirent pas qu’on les attaquât, ils avaient répandu des tirailleurs dans les bois, ils commencèrent la fusillade ; les républicains s’avancèrent l’arme au bras, sans tirer un coup de fusil, sans répondre au feu réitéré de leurs ennemis, sans proférer d’autres paroles après chaque décharge que celles-ci : Serrez les rangs, serrez les rangs.

Le prêtre n’avait pas achevé sa messe, et il continuait ; son auditoire semblait étranger à ce qui se passait, et demeurait à genoux. Les soldats républicains avançaient toujours. Quand ils furent à trente pas de leurs ennemis, le premier rang se mit à genoux ; trois lignes de fusils s’abaissèrent comme des épis que le vent courbe. La fusillade éclata ; on vit s’éclaircir les rangs vendéens, et quelques balles passant au travers allèrent jusqu’au pied de l’autel tuer des femmes et des enfans. Il y eut dans cette foule un instant de cris et de tumulte. Le prêtre leva Dieu, les têtes se courbèrent jusqu’à terre, et tout rentra dans le silence.

Les républicains firent leur seconde décharge à dix pas, avec autant de calme qu’à une revue, avec autant de précision que devant une cible. Les Vendéens ripostèrent, puis ni les uns ni les autres n’eurent le temps de recharger leurs armes : c’était le tour de la baïonnette, et ici tout l’avantage était aux républicains, régulièrement armés. — Le prêtre disait toujours la messe.