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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/636

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route, ce qui n’arrive souvent qu’au bout d’une heure ou deux. On s’opposerait vainement à ces excursions : l’Indien ne fait que ce qui lui plaît et comme il lui plaît.

Le lendemain 22, nous atteignîmes de bonne heure le saut Cachiry, le plus long et le plus beau de tous ceux de la rivière. Sa hauteur absolue est de cinquante pieds, et la largeur de sa principale cascade, qui est d’environ vingt toises, lui donne un aspect plus imposant que le saut précédent. Nous fûmes obligés, outre les difficultés ordinaires, de faire remonter à nos canots une chute perpendiculaire de quinze pieds de haut, qui nous obligea de les décharger, et nous fit perdre beaucoup de temps. Dans l’après-midi nous arrivâmes à la crique Aramontabo, sur laquelle sont établis les restes de la nation Piriou.

Le capitaine Alexis, qui la commande, habite depuis quarante ans les environs de la crique, et on voit çà et là les abatis qu’il y a faits à des époques différentes. Nous le fîmes prévenir de notre arrivée, et bientôt nous le vîmes paraître, accompagné d’une quinzaine d’Indiens, tant de sa nation qu’étrangers, que le hasard avait rassemblés en ce moment près de lui. Il était vêtu à peu près comme nos cultivateurs aisés, et tenait à la main la canne à pomme d’argent qu’il avait reçue autrefois d’un des gouverneurs de la colonie, en signe de son autorité. Quoique âgé de plus de quatre-vingts ans, sa démarche était ferme, et je l’ai vu depuis se livrer aux mêmes exercices que les autres Indiens. Nous l’invitâmes à souper pour jouir de sa conversation, qui était intéressante, attendu qu’il parlait parfaitement le créole. Il se rappelait les Missions du siècle dernier, et avait été au service de celle de Saint-Paul, lorsqu’elle fut détruite en 1762. C’était alors le temps florissant de l’Oyapock. Les nations indiennes étaient nombreuses, et les missionnaires entretenaient la paix parmi elles. Depuis leur départ la division s’était mise entre les diverses peuplades ; les Roucouyennes, les Ouens et les Pirious avaient été détruits par les Oyampis ; et son père, qui commandait les Pirious, avait été tué dans une bataille contre ces derniers. Alexis nous compléta notre équipage, et nous acquittâmes, en sa présence, le prix convenu avec les Indiens que nous