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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/719

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LES BAINS DE LUCQUES.

La petite figure qui apparut en ce moment, au circuit d’un coteau, eût mieux mérité d’être appelée un lis jaune que Hyacinthe. Elle était renfermée dans un vaste habit de drap écarlate, chargé de galons d’or, et du fond de cette rouge magnificence sortait une face en sueur qui me fit un signe amical. Réellement, lorsque j’eus examiné de plus près ces yeux actifs et cette figure inquiète, je reconnus quelqu’un que je me serais attendu à trouver sur le mont Sinaï plutôt que sur les Apennins, et ce n’était personne autre que M. Hirsch, bourgeois toléré de Hambourg, un homme qui n’a pas été seulement un très-honnête collecteur de loterie, mais qui s’entend aussi fort bien en cors aux pieds et en ducats, à savoir qu’il ne confond jamais les uns avec les autres, et qu’il rogne toutes ces choses avec une égale dextérité.

— Je suis bien content, me dit-il, que vous me reconnaissiez, bien que je me nomme maintenant Hyacinthe, et que je sois valet de chambre de M. Gumpel.

— Hyacinthe ! s’écria celui-ci avec humeur.

— Soyez tranquille, M. Gumpel, ou M. Gumpelino, ou M. le Marquis, ou votre Excellence ; nous n’avons pas besoin de nous gêner devant le docteur. Il me connaît, il m’a pris plus d’un billet de loterie, et je jurerais presque qu’il me doit encore sept marcs et neuf shillings du dernier tirage. — Je me réjouis vraiment de vous revoir, docteur. Ce que c’est que l’homme ! ajouta-t-il. Devant la porte d’Altona, on se dit : Que j’aurais donc pris plaisir dans un pays qui est à deux cents milles de Hambourg, dans le pays où croissent les citrons et les oranges, en Italie ! Ah ! l’homme ! est-il devant la porte d’Altona, il voudrait être en Italie, et à peine est-il en Italie, qu’il voudrait se retrouver devant la porte d’Altona. Hélas ! je suis maintenant dans le pays des citrons et des oranges, et je pense à la porte de pierre de Hambourg, où les oranges et les citrons se trouvent par pleins paniers, sans qu’on ait la peine de grimper les montagnes et d’affronter la chaleur pour les cueillir. Que Dieu me le pardonne, M. le marquis ; n’était l’honneur, je ne serais pas venu si loin avec vous.

— C’est un brave homme, me dit le marquis, mais il n’entend absolument rien à l’étiquette ; devant vous, cela est sans conséquence. Comment trouvez-vous sa livrée ? Il y a pour cinquante écus de galon de plus que sur les livrées des laquais de Rotschild. Je le dis souvent : qu’est l’argent ? L’argent est rond, il roule bien loin, mais la civilisation demeure. Oui, docteur, si je perds un jour mon argent (ce dont Dieu me préserve !), je n’en serai pas moins un grand connaisseur des arts, un amateur éclairé de la peinture, de la musique et de la poésie. Vous