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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/102

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tres effroyables que produisait l’agiotage, sur lequel reposait toute sa vie politique ; en un mot, tâchant de s’isoler dans les chiffres, pour se mettre à couvert de la terrible responsabilité que faisaient peser sur sa tête les actes d’un parti dont il était l’instrument, tout en se raidissant contre lui. La vie ministérielle de M. Villèle ne fut, en effet, qu’une lutte contre la congrégation, qui ne se sentait pas encore assez puissante pour saisir le pouvoir à visage découvert. C’est elle qui, placée derrière lui, comme la Mort que dépeint Bossuet, le poursuivait en lui criant incessamment : Marche ! marche ! C’est elle qui le contraignit à faire la guerre à l’Espagne, et, par suite des frais immenses de cette guerre, aux emprunts qui le jetèrent dans les mains des banquiers agioteurs et dans les intrigues scandaleuses du syndicat ; c’est elle qui l’enlaça dans les inextricables embarras du trois pour cent, en lui demandant un milliard d’indemnité pour sa rançon de ministre ; et loin de le laisser libre après qu’il l’eut payée de si bonne grace, elle l’entraîna impitoyablement de la loi du sacrilège à la loi des journaux, de la loi des journaux à la loi du droit d’aînesse, aux persécutions de la presse, aux largesses sans nombre envers le clergé, et ne cessa de le gourmander et de l’entraîner sans relâche, jusqu’à ce qu’elle l’eût fait marcher dans le sang et tremper dans les massacres de la rue Saint-Denis. Alors l’homme fut bien à elle. Il avait reçu le baptême du fanatisme et de la vengeance, mais ce baptême de feu et de sang l’avait tué. Elle le laissa tomber sans regret, et le repoussa du pied comme un cadavre inutile. Telle a été la destinée de M. Villèle, en même temps si brillante et si déplorable, de celui que Foy, injuste ce jour-là, appelait avec fureur un maître insolent, et qui n’était qu’un pauvre esclave garotté de mille liens. On peut dire, sans crainte de se tromper, que de tous les actes ostensibles de son long ministère, la loi de septennalité fut le seul qu’il fit volontairement ; et il la proposa uniquement parce que c’était un moyen d’immobilité qu’il se donnait, et qu’il espérait échapper ainsi au génie turbulent et exigeant de la congrégation. Dans ses actes secrets, l’achat et la corruption des journaux furent aussi un effet de sa libre volonté. Mais des voies si douces et si paternelles ne convenaient pas à la congrégation ; elle le força de présenter la loi de la presse, qui répugnait à toutes ses idées. Quel autre que M. Villèle