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comme on l’en accusait, mais qu’il prétendait seulement associer l’administration à leurs bénéfices. Puis il se mit à énumérer fort au long ces bénéfices, prenant pour but de ses calculs un journal de 20,000 abonnés, tel que l’était alors le Constitutionnel. Il compta par francs et par centimes les frais d’impression et de papier, qui montaient, dit-il, pour le premier mille a une somme de 48,960 fr. ; puis il fit remarquer que les dix-neuf autres mille coûteraient bien moins, et fit apprécier les causes de cette différence. Les frais du timbre, il les compta à 6 centimes, quoique, dit-il, ils ne soient dans la réalité que de 5 centimes 9/10es ! Les 2 centimes de frais de port pour les deux tiers de l’abonnement sont de tant, ajouta-t-il, la totalité des frais de tant, le produit des abonnemens de tant. Et il comptait toujours les centimes. Les frais de rédaction de tant, reste telle somme pour les bénéfices. Le capital nécessaire pour l’exploitation fut cité avec la même apparence d’exactitude. Il se montait, selon le ministre, à 15,000 francs. On lui fit objecter qu’une seule presse mécanique coûtait 25,000 francs ; mais il n’en tint pas compte. Ses calculs étaient faits, il n’en voulut pas démordre.

M. Villèle, dont la franche corruption déconcerte toujours, continua ainsi d’étaler avec complaisance, lui premier ministre, les résultats du plus bas espionnage ; car tous les comptes qu’il fournissait, quoique dénaturés, avaient été soustraits dans les bureaux du Constitutionnel. On n’ose le dire, mais il paraît certain que le personnage qui les livra, reçut de sa main la croix de la Légion-d’Honneur. Vraiment, c’était traiter la France avec trop de mépris.

Le lendemain, Périer accourut à la tribune, y déroula tous les comptes rectifiés du Constitutionnel, donna à son tour les chiffres, montra qu’ils avaient été surchargés, et prouva la fausseté des assertions de M. Villèle, qui se contenta de lui répondre : « L’orateur qui m’a reproché hier de porter ici une investigation immorale sur une industrie particulière, fait justement ce qu’il m’a reproché. » — « J’y ai été autorisé moi ! » s’écria Périer d’une voix foudroyante. M. Villèle n’avait pas senti cette nuance-là.

Que vous dirai-je que vous ne sachiez déjà ? Suivrai-je M. Villèle de nécessité en nécessité, depuis la dissolution de cette cham-