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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/172

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REVUE DES DEUX MONDES.

Sarah jura, en pleurant, de faire tout ce que désirait sa tante ; mais, malgré tous ses efforts, son chagrin fut si visible, qu’Olivier s’en aperçut dès le premier instant. Il regarda lady Mowbray, et trouva la même altération sur ses traits. Les vérités qu’il avait confusément pressenties quelquefois, brillèrent à son esprit ; les pensées qui, par bouffées brûlantes, avaient traversé son cerveau à de rares intervalles, revinrent l’embraser. Il fut effrayé de ce qui se passait en lui et autour de lui ; il prit son fusil, et sortit. Après avoir tué, au clair de la lune, quelques innocens lapins, qui n’en pouvaient mais, il rentra plus fort, trouva les deux femmes plus calmes, et le reste de la soirée s’écoula assez agréablement. Quand on a l’habitude de vivre ensemble, quand on s’est compris si bien, que durant long-temps toutes les idées, tous les intérêts de la vie privée, ont été en commun, il est presque impossible que le charme des relations se rompe tout à coup sur une première atteinte. Les jours suivans virent donc se prolonger cette intimité, dont aucun des trois n’avait altéré la douceur par sa faute. Néanmoins la plaie allait s’élargissant dans le cœur de ces trois personnes. Olivier ne pouvait plus douter de l’amour de Sarah pour lui ; il en avait toujours repoussé l’idée, mais maintenant tout le lui disait, et chaque regard de Métella, quelle qu’en fût l’expression, lui en donnait une confirmation irrécusable. Olivier chérissait si réellement, si tendrement sa mère adoptive, il avait connu auprès d’elle une manière d’aimer si paisible et si bienfaisante, qu’il s’était cru incapable d’une passion plus vive ; il s’était donc livré en toute sécurité au danger d’avoir pour sœur une créature vraiment angélique. À mesure que ses sentimens pour Sarah devenaient plus vifs, il réussissait à se tranquilliser en se disant que Métella lui était toujours aussi chère ; et en cela, il ne se trompait pas : seulement pour l’une l’amour prenait la place de l’amitié, et pour l’autre l’amitié avait remplacé l’amour. L’ame de ce jeune homme était si bonne et si ardente, qu’il ne savait nullement se rendre compte de ce qu’il éprouvait.

Mais, quand il crut s’en être assuré, il ne transigea point avec sa conscience : il résolut de partir. La tristesse de Sarah, sa douceur modeste, sa tendresse réservée et pleine d’une noble fierté, achevèrent de l’enthousiasmer ; expansif et impressionnable comme