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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/228

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REVUE DES DEUX MONDES.

Chamisso jette à la fois tout ce qu’il a recueilli de ses voyages et de ses études, joint à ce que lui donne de puissance sa riche imagination ; le Jahrbucher d’Iéna et le journal de Goettingue, qui se distinguent par leur esprit de critique et leurs théories littéraires ; le journal de musique de Rochlitz, dont Hoffmann fut le collaborateur, et qui se soutient avec le même succès depuis près de quarante ans.

Parmi les journaux spécialement littéraires, il faut placer en première ligne celui que le libraire Brockaus publie à Leipzig sous le titre de Blatter für literarische Unterhaltung (Journal d’entretien littéraire) ; le Freymüthige, qui paraît à Berlin, sous la direction de M. Hering (Willibald-Alexis), l’ami de Heine, et l’auteur de Cabanis ; le Gesellschafter, rédigé par M. Gubitz et la plupart des hommes de lettres distingués de Berlin ; le Magazin des Auslandes, dans lequel M. Lehmann fait revivre, avec beaucoup de tact et d’esprit, les principales productions étrangères, le Journal du beau monde (Zeitung für die elgante Welt), qui paraît à Leipzig, et compte parmi ses rédacteurs des hommes d’un véritable talent, tels que le docteur Laub et le professeur Wolff, d’Iéna ; et, avant tout, il faut placer le Morgenblatt de Stuttgardt. Ce journal, qui exerce une haute influence, a trois parties distinctes : la première ne renferme, comme la plupart des journaux allemands, que des nouvelles et des poésies ; la seconde présente l’examen et la critique des œuvres d’art ; puis arrive un beau jour Menzell, Menzell l’orientaliste, le philosophe, l’historien, le poète, qui prend à droite, à gauche, dans cette vaste collection de livres dont il doit rendre compte, et leur assigne une place dans l’échelon littéraire. La critique de Menzell est souvent âpre et mordante ; c’est celle d’un homme qui a trop lu, et dont il est aussi difficile d’exciter la sympathie pour un ouvrage nouveau, qu’il le serait, si je puis me servir de cette comparaison, de réveiller l’appétit factice d’un gastronome blasé sur les raretés de Chevet et les chefs-d’œuvre de M. Carême. Aussi, avec quelle pitié dédaigneuse il traite ce déluge de vers et de nouvelles, de modestes brochures et de lourds in-8o, qui l’inondent ! Quelle amère ironie passe sur les lèvres de cet ami d’Uhland et de Tieck quand un jeune poète présomptueux s’en vient lui apporter ses élégies d’amour et ses rêves de tristesse ! et quelle froide moquerie s’imprime dans le regard de ce député patriote et consciencieux du Wurtemberg lorsque des ouvrages d’histoire et de politique s’offrent à lui revêtus de la livrée de la courtisanerie et du cachet de la servilité ! Mais laissez ce qu’il y a de trop rude dans ses paroles, de trop incisif peut-être dans l’analyse qu’il fait d’un livre, et vous trouverez chez lui un esprit de critique large, profonde, et placée à un point d’élévation