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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/326

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quelque autre entreprise mécanique, elle se rejette en arrière, pour trouver, dans les jours qui ne sont plus, l’inspiration qu’elle appelle. Saisissant alors sa harpe, elle chante la maison des Stuart, et les chevaliers du nord, avec leurs combats dans la lice, leurs rencontres en bataille rangée, et leurs costumes, et leurs ménestrels. En d’autres termes, l’école où Walter Scott se forma fut celle des anciennes chroniques, et par sa naissance, par son éducation sur ce théâtre des guerres féodales et de l’épopée romantique, au milieu d’un peuple épris encore du souvenir des actions chevaleresques, et plein d’amour pour ceux qui les accomplissaient, son esprit ne pouvait guère prendre une autre direction. Puis il descendait d’une race de guerriers ; son aïeul maternel avait tué dans une bataille un prince anglais, et ses ancêtres du côté paternel figuraient dans les guerres du parlement ; l’un d’eux avait pris les armes pour la cause des Stuart.

Walter Scott naquit à Édimbourg le 15 août 1771. Il était maladif, boiteux du pied droit, et fut élevé par sa grand’mère ; grace à elle, il devint fort, robuste, volontaire, et passionné pour tous les exercices qui réclamaient de la hardiesse et de l’adresse. Ses connaissances classiques n’étaient pas étendues, mais l’amour de la littérature se manifesta en lui avec le penchant pour la poésie et le roman, et de bonne heure il se distingua entre tous ses camarades de classe, par sa manière ingénieuse de raconter des histoires de vieux châteaux, et des combats de chevalerie. Il était âgé de seize ans à peu près, lorsqu’il eut l’occasion de lire quelque chose en présence de Burns, qui, fixant sur lui ses grands yeux noirs, s’écria : « Ce jeune homme fera parler de lui. »

Il se livra à l’étude des lois, mais son cœur demeura dévoué à la poésie. Une chose assez remarquable, c’est qu’il s’essaya d’abord à composer des ballades en vers, et d’après une lettre de Lewis[1], on peut croire que ce n’étaient pas des chefs-d’œuvre. Ses vers n’étaient pas faits pour être lus, mais pour servir au musicien qui peut changer en tons harmonieux des

  1. Monk Lewis, auteur du Moine, l’un de ces hommes de transition qui se trouvent entre deux époques, et que l’on oublie ordinairement. Lewis n’a pas été sans influence sur son temps ; il a surtout contribué à former le génie de Byron et celui de Scott. Les héros de Byron, sombres, voluptueux, criminels et philosophes, ont leurs prototypes dans les ouvrages de Lewis, négligés aujourd’hui. Le goût pour les ballades anciennes, goût qui développa le premier essor du talent de Scott, lui fut inculqué par ce même Lewis. Il eut pour héritier littéraire et pour imitateur heureux, Maturin, auteur des Albigeois, qui poussa ce genre funèbre, érotique et satanique, à ses limites extrêmes.