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DE LA CHINE.

à trois de diverses manières, forment soixante-quatre figures. Selon les traditions des Chinois, ces trigrammes furent inventés par leur premier législateur, Fo-Hi, trente siècles avant Jésus-Christ. Il n’est pas facile d’en pénétrer le sens primitif, et il serait long d’énumérer toutes les significations qu’on leur a données. Ceci est un exemple frappant de la disposition qu’ont les Chinois à rattacher toutes leurs idées à une donnée traditionnelle. Vingt systèmes différens, et souvent opposés, se sont présentés depuis quatre mille ans, comme offrant la véritable interprétation des mystérieux emblèmes de Fo-Hi. Il paraît que d’abord tombés aux mains du vulgaire, ils étaient pris pour des figures cabalistiques et servaient à tirer les sorts, quand au xiie siècle avant notre ère les princes qui fondèrent la troisième dynastie sur les ruines de la seconde, imaginèrent d’en tirer parti pour colorer leur usurpation. Ouen-Ouang, le nouvel empereur, et son fils Tcheou-Kong, ajoutèrent à chacun de ces soixante-quatre signes quelques caractères formant un sens vague et presque aussi énigmatique que les signes eux-mêmes, mais qui semblent avoir contenu des allusions à leur politique, faisant ainsi parler en leur faveur ces symboles que le peuple était accoutumé à respecter. L’obscurité du commentaire fut loin de lui nuire, et peut-être à cause de cette obscurité même il fut révéré à l’égal des figures qu’il accompagnait. Six cents ans après, quand vint Confucius, qui avait aussi ses vues politiques, il ne trouva rien de mieux, au lieu de les énoncer comme le fruit de ses réflexions, ce qui les aurait immanquablement discréditées, que de les donner pour une explication des figures de Fo-Hi, et des courtes phrases de Ouen-Ouang ou des Tcheou-Kong, avec lesquelles elles n’avaient probablement pas grand rapport. Les mots sans liaison dont ces phrases étaient formées, bizarrement enchâssés dans les axiomes de sa morale et de sa politique, leur prêtèrent une autorité qu’ils n’auraient pu avoir par eux-mêmes. Ainsi fut formé le Y-King.

Il en fut de lui comme d’un arbre, sur lequel on grefferait successivement diverses espèces de fruits, comme d’un vieil habit de famille, que se passeraient, le taillant à leur mode, plusieurs générations. Mais les choses n’en sont pas restées là ; des hérétiques de la secte de Lao-Tseu ont trouvé leur doctrine écrite dans les