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religion des nouveaux conquérans. Sous cette dynastie fut composé le dictionnaire polyglotte, que M. Rémusat appelle la Somme du bouddhisme. En effet, chacune des expressions philosophiques ou des dénominations mythologiques qui se rapportent à Bouddha, est là en cinq langues : en sanscrit, en chinois, en mantchou, en mongol et en thibétain.

M. Rémusat avait commencé à traduire avec M. E. Burnouf ce précieux recueil ; on peut dire que ce travail, exécuté par deux hommes si capables de s’en bien acquitter, nous eût donné la clef, ou plutôt les clefs du bouddhisme, car il a plusieurs portes, et on n’arrivera à le pénétrer que si chacun se charge d’en ouvrir une. En un mot, il faudra, pour résoudre cette grande question, l’attaquer par la Chine, par l’Inde, par la Tartarie et par le Thibet.

Je suis obligé de faire en petit, dans cette esquise, ce qu’on ferait en grand dans une histoire du bouddhisme, de me déplacer avec lui, et de voyager sur ses pas d’un pays à l’autre, pour suivre ses mouvemens : nous avons vu ce qu’il avait été à la Chine ; terminons en disant ce que, depuis l’érection du lamisme, il fut chez les nations tartares et dans le Thibet même.

Si les Mongols de la Chine, quoique retenus par des considérations politiques, s’étaient montrés pourtant favorables au bouddhisme, les Mongols de la Tartarie, libres de tout lien religieux, l’embrassèrent avec une telle avidité, qu’il eût été impossible au bout de quelques années, dit M. Rémusat, de distinguer les catéchistes des néophytes. Aux farouches capitaines de Gengis-Khan succédèrent presque subitement de contemplatifs lamas, et l’ambition des conquêtes fut remplacée par celle d’atteindre à la perfection par l’anéantissement extatique (nirvana), et d’arriver au rivage opposé, c’est-à-dire, de rentrer dans le sein de l’ame universelle. À cette nouvelle direction d’idées, les Mongols durent, outre l’adoucissement de leurs mœurs, une littérature. Des ouvrages religieux en sanscrit et en thibétain, langues sacrées et liturgiques du bouddhisme, se conservèrent et se traduisirent dans des monastères de la Mongolie, comme des livres latins au moyen-âge dans des cloîtres de la Saxe et de l’Angleterre. M. Rémusat déplorait avec un peu de ressentiment la destruction toute récente d’un de ces monastères, qui contenait une magnifique bibliothèque