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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/471

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HOFFMANN ET DEVRIENT.

grand sérieux. Avec lui il est impossible de se mettre à un pas réglé, d’adopter une allure uniforme. Ce n’est point un de ces romanciers complaisans, véritable providence des traducteurs, qui vous déroulent successivement et par ordre, avec beaucoup de soin et de méthode, tout ce qu’ils ont mis en réserve pour vous ; c’est un de ces hommes bizarres qui se plaisent à décevoir votre attente, à vous faire subir les caprices les plus étranges, les transitions les plus brusques, comme pour jouir ensuite de vos regards étonnés et de votre embarras.

Énumérer ces difficultés, c’est par-là même faire l’éloge du travail de M. Loève-Veimars ; car enfin, ce n’est plus ici une de ces traductions, comme il nous en arrive souvent, où l’auteur est pâlement recopié, où l’original plein de force et de chaleur se trouve réduit à n’être plus qu’un froid squelette. Non, c’est Hoffmann qui revit, c’est Hoffmann qui vient nous trouver en France, avec son regard triste ou moqueur, avec son ame ardente et profondément impressionnable, avec ces boutades énergiques, ces plaisanteries fines, ces peintures si gracieuses ou si grotesques, et son rare mélange d’humour et de tristesse profonde.

Faites place au penseur original, faites place à l’artiste, au musicien, au poète, à tous ces chœurs de génies et de fées qu’il entraîne après lui, à toutes ces belles et vaporeuses images auxquelles il donne le jour, à tous ces lutins qui dansent aux accords de son piano, ou déposent leurs formes aériennes dans les lignes que trace sa plume, dans les esquisses de son crayon.

Quelques hommes habitués à prendre toujours la littérature sous son point de vue positif et sérieux, se sont étonnés du renom populaire que s’est acquis Hoffmann ; et cependant, le romancier de Berlin venait parmi nous remplir une lacune. Qui nous rendra encore cette joie subite, cette impression singulière que nous éprouvâmes lorsque pour la première fois Hoffmann nous apparut avec ses étranges rêveries, sa pipe, et son idéal, ses élans de poésie et son chat Murr ? Et aujourd’hui que nous avons mainte et mainte fois causé avec lui ; aujourd’hui que nous l’avons étudié, et qu’il n’a plus pour nous le charme de la nouveauté, Hoffmann n’en est pas moins le bien-venu dans nos bibliothèques, dans nos salons ; nous avons lu avec joie ses premiers contes, et avec joie aussi on