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MÉLANGES.

assurent même que le petit couvercle par lequel le vase est surmonté s’abaisse lorsqu’il doit pleuvoir, de sorte que l’eau de pluie ne saurait y pénétrer. Il est certain que cet opercule s’abaisse et s’élève par mouvement propre, mais on ne sait pas encore si le mouvement est en rapport avec l’état de l’atmosphère ou avec la quantité de liquide contenue dans le godet.

On a vu que pour certaines plantes telles que le blé, la capucine, la vigne, l’eau exhalée s’accumule à l’extérieur, que pour d’autres dont le cephalotus offre un exemple aussi bien que le népenthès ; cette eau s’amasse dans des réceptacles qui ont une communication avec l’air extérieur. Il existe enfin un troisième cas, celui dans lequel le liquide exhalé se verse dans une cavité parfaitement close. Ce cas, qui ne se présente guère dans les climats tempérés, a été rarement observé par les botanistes, et je ne sais s’il se trouve indiqué dans les meilleurs traités de physiologie végétale. J’ai appris à le connaître dans cette même cordillère du Quindiù, où je fus si bien arrosé par l’eau condensée sur les feuilles des chênes.

Je ne me trouvais pas alors dans la région des chênes, mais dans celle des palmiers ; il faisait excessivement chaud, et je mourais de soif, car je marchais depuis six heures sans avoir rencontré un ruisseau. Mes guides souffraient autant que moi, et marchaient tristement sans mot dire, lorsqu’un d’eux s’écria tout à coup : « Dieu merci, voilà enfin que nous allons boire ! » et il montrait du doigt un morne arrondi sur lequel il ne semblait pas qu’on dût s’attendre à trouver ni source ni mare. Je n’eus pas le temps de communiquer mes réflexions aux hommes qui m’accompagnaient, car tous s’étaient mis à courir vers le lieu qu’on leur indiquait. En regardant ce monticule, je vis qu’il était entièrement couvert de bambous (guaduas) ; jusque-là je n’avais rencontré ces plantes que dans des terres bien arrosées, dans des marécages, des vallées humides, ou au bord des ruisseaux.

En arrivant près des bambous, mon guide s’arrêta, considéra quelque temps les différentes tiges qui faisaient partie d’une même gerbe, en choisit une, et commença à l’entamer à coups de coutelas. En un clin d’œil il eut pratiqué une ouverture d’où s’élança un flot d’eau parfaitement limpide, vers lequel il porta avidement ses