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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/623

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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30 novembre 1833.


Les intrigues ministérielles, assoupies depuis quelques jours, sont au moment de se réveiller avec plus de force. Il n’est plus question de la démission du maréchal Soult, il est vrai ; M. Humann a consenti à fermer les yeux sur les crédits nouveaux qu’il demande, et travaille de tout son cœur à faire, pour 1835, une seconde édition du budget normal de 1834, revu et augmenté de quelques articles. M. Thiers, de retour de sa tournée en Normandie, où il a fait, de son côté, avec une incroyable légèreté, des promesses qu’il lui sera impossible d’effectuer, et que son secrétaire-général, M. David, démentait à l’heure même, ne s’occupe que d’acteurs, d’actrices, de comédies et de tableaux. M. Guizot et M. de Broglie vivent paisiblement dans leur cercle d’intimes, et s’adonnent avec activité à une seule mais importante affaire, celle de marier leurs jeunes amis doctrinaires qui n’ont pas encore su trouver des dots assez considérables pour remplir l’un des statuts donnés à cette congrégation par sa fondatrice, Mme de Staël, qui prêchait si ardemment l’amour dans le mariage. On peut en rire, mais ce sont là les graves occupations qui absorbaient deux de nos ministres il y a peu de jours. Comme nous ne faisons pas les nouvelles, il ne tient pas à nous de les rendre plus importantes.

M. d’Argout veillait seul au milieu de ce ministère engourdi, et le résultat des élections départementales lui paraissait si satisfaisant, qu’il ne parlait que d’en finir avec le tiers-parti, le carlisme et la république, en un mot, d’écraser d’un seul coup toutes les oppositions. À voir et à entendre M. d’Argout, on eût dit qu’il allait se revêtir du heaume et de l’armure du fameux baron des Adrets, l’un de ses ancêtres, et faucher comme lui tous les hérétiques. L’élan belliqueux de M. d’Argout n’a pas tardé à se communiquer aux autres membres du conseil, et c’est aux acclamations unanimes de nos hardis ministres que le plan de campagne de la session prochaine a été arrêté dans une de leurs dernières séances, qui ressemblait moins à un conseil d’état qu’à un conseil de guerre.

Dans cette séance M. Barthe, encore ému de l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire du crieur Delente, fit d’abord remarquer l’affectation qu’a mise le procureur-général Dupin à prendre la parole dans une question sur laquelle on pouvait laisser s’escrimer un substitut, et fit valoir, en dépit du mauvais succès, l’opportunité du pourvoi de M. Persil contre l’arrêt de la Cour royale, pourvoi qui avait déjà été arrêté dans une conférence