Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/717

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
713
HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

personne plus que lui n’avait sympathisé avec la nation polonaise, et que son sang avait coulé avec celui des Polonais sur plus d’un champ de bataille. À Almanacid sans doute, où il les avait sacrifiés ? Puis le ministre parla des campagnes d’Italie en homme qui les a faites, en diplomate et en guerrier ; il prouva que ces guerres d’Italie n’avaient été jamais que des désastres pour la France ; mais il oublia d’ajouter qu’elles n’avaient été entreprises que pour rejeter l’Autriche sur ce point, et empêcher l’invasion du territoire français qui était imminente. Enfin il démontra que la Pologne était trop éloignée, et son seul port, celui de Polangen, trop petit pour recevoir nos vaisseaux, sans dire toutefois quel obstacle s’était opposé à l’envoi de ce seul courrier que demandaient à grands cris les Polonais, et dont la vue eût doublé leurs forces et leur courage. Enfin, il termina en annonçant que la démolition des places fortes de la Belgique laverait bientôt les affronts essuyés par la France depuis quinze ans.

Le général Lamarque bouillonnait sur son banc. Plusieurs fois il avait interrompu le ministre par ses cris. Le discours de M. Sébastiani n’était pas encore achevé, et déjà Lamarque trépignait sur les degrés de la tribune. À ses joues creuses et pâles, à son front veiné de cicatrices à peine cachées par quelques cheveux gris, à sa voix sépulcrale, on l’eût pris pour le spectre d’un de ceux qui venaient de périr dans les plaines ensanglantées de la Pologne, accouru pour reprocher à M. Sébastiani l’indifférence et la dureté qu’il montrait envers ses anciens soldats, ses bons et vaillans compagnons d’armes.

« Après avoir sacrifié l’Italie à l’Autriche, s’écria Lamarque, vous avez sacrifié la Belgique à l’Angleterre ; et ici vous ne pouvez pas nous dire que c’est une guerre de principes, et que vous ne voulez vous occuper que des intérêts de la France. Jamais intérêts ne furent plus positifs, plus incontestables ; jamais sur aucune question l’opinion ne fut plus prononcée, plus unanime. Parcourez la France entière : il n’est pas une ville, pas un village, pas un hameau, où l’indignation n’ait égalé l’étonnement, quand on a vu la Belgique passer sous la domination anglaise. Tressez des couronnes, élevez des arcs de triomphe, pour le retour de notre plénipotentiaire ; il a accompli ce que la Sainte-Alliance