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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/731

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REVUE. — CHRONIQUE.

cile à briser, qui rêve des coups-d’état et songe sérieusement à abattre à la fois, dans cette session, toutes les existences légales. La presse et le jury sont les deux fantômes qui l’obsèdent le plus. M. d’Argout et M. Barthe les prendront corps à corps et lutteront avec eux ; et si la chambre éprouve quelque velléité de jeunesse, de vigueur et d’indépendance, on la dissoudra sans miséricorde. Les journaux ministériels font déjà entrevoir à cette chambre dont on veut achever de se rendre maître, que son existence ne tient qu’à un fil, et que c’est par pure bonté qu’on ne le coupe pas à l’heure même. Le Journal des Débats déclarait, il y a peu de jours, que la chambre actuelle est pleine de bons sentimens, qu’elle a rendu d’immenses services, que le pays lui doit de la reconnaissance, qu’elle est éclairée, prudente, honnête ; mais qu’elle a un inconvénient, un seul, celui d’avoir terminé son existence politique et de ne pouvoir plus être utile à rien. C’est absolument l’histoire de la jument de Roland qui avait toutes les qualités et qui eût été parfaite sans un petit défaut, celui d’être morte. La mort civile ainsi prononcée sur la chambre, il ne restait au Journal des Débats qu’une conclusion possible. L’enterrer au plus vite et en appeler une autre. Voilà nos députés bien et duement informés. S’ils donnent le moindre signe de vie, on se souviendra qu’ils n’existent plus, et on le leur fera bien voir. Il ne leur reste d’autre moyen de prolonger leur existence, que d’agir comme les fuyards dans une déroute, de faire les morts et se coucher silencieusement sur le champ de bataille, tandis qu’on leur passera sur le dos.

On s’occupe beaucoup de l’emprunt d’Espagne, et l’on attend d’un moment à l’autre la réponse du gouvernement espagnol aux propositions que lui ont faites les banquiers de Paris. La Bourse est d’autant plus intéressée à cette réponse, que le prochain semestre des fonds espagnols échoit au premier janvier, et que vu l’état des finances de ce royaume, il est fort douteux qu’il se trouve des capitalistes assez hardis pour se charger de ce paiement. On s’attend cependant à un refus de la part de l’Espagne. La régente a été indignée, dit-on, dès les premières ouvertures de cette négociation, et toute la grandesse qui a été consultée, a manifesté la même indignation que la régente. Il faut savoir que nos banquiers n’ont pas eu honte de demander la rente d’Espagne au taux de trente, c’est-à-dire à 70 pour cent. De telles propositions n’étaient pas acceptables, et le mouvement de colère qu’elles ont excité à Madrid, a déjà fait naître de généreuses résolutions. On dit que les principaux partisans de la reine parlaient d’envoyer à la monnaie leur vaisselle, et se disposaient à couvrir l’emprunt par des dons volontaires ; mais jamais le crédit public n’a été rétabli par de tels moyens, et c’est ainsi que la cour de France acheva de