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REVUE. — CHRONIQUE.

publique Grenadine, aucun personnage diplomatique chargé de nous représenter. Nous pouvons assurer que M. d’Estourmel n’a pas non plus de disgrace à craindre, et que son absence de son poste est motivée par des raisons qui, pour n’être pas de nature à l’excuser, n’en seront pas moins reçues par le ministère. Il paraît qu’une affaire d’indemnités, assez légèrement accordées aux États-Unis par M. Sébastiani, et qu’on n’ose porter devant les chambres, a retenu M. d’Estourmel à New-York. Il faut espérer cependant que M. Madier de Montjau finira par paraître à son siége de la cour de cassation, et M. d’Estourmel à son poste de Bogota, à moins que, vu la manie de voyages qui possède M. Madier de Montjau, et le goût décidé que montre pour Paris M. d’Estourmel, on ne les fasse permuter ensemble.

Le ministère vient d’échafauder un nouveau procès politique. C’est la comédie préparatoire qui précède chaque année l’ouverture des chambres. Au lieu du procès du coup de pistolet, on nous donne cette année une simple accusation de complot contre la sûreté de l’état. Les républicains font, comme de raison, les frais de ce petit drame. Jusqu’à présent, les débats du procès n’ont encore montré au public que les louables efforts de la police et du ministère public pour créer et trouver des coupables. Quelques membres obscurs de la Société des droits de l’Homme sont accusés d’avoir continué d’assister aux séances de cette société, dissoute par un arrêt ; M. Raspail, mis en cause également, n’est pas même convaincu d’en avoir fait partie. On peut déjà prévoir l’issue de ce procès, qui fournira sans doute au pouvoir un grief de plus contre le jury.

Puisque nous avons occasion de parler de M. Raspail, ce jeune savant dont la destinée est si malheureuse, nous nous étonnons que M. Guizot n’ait pas pris la peine de se justifier directement et positivement d’un fait qui lui a été imputé. Il paraît qu’un excellent mémoire scientifique de M. Raspail, présenté à la commission de l’Institut chargée de distribuer les prix Monthyon, avait été jugé digne du grand prix fondé pour l’ouvrage le plus utile. On répandit alors le bruit que le ministre de l’instruction publique avait fait savoir aux membres de cette commission qu’il s’opposerait de tout son pouvoir à ce que le prix fût décerné à M. Raspail, et que les raisons politiques alléguées par le ministre contre cet acte de justice tout-à-fait scientifique et littéraire prévalurent sur le mérite du livre. Tous les journaux indépendans jetèrent un blâme très vif sur ces menées, et nous nous empressâmes de nous joindre à eux. M. Raspail le républicain ne devait pas faire tort, aux yeux de l’Institut, à M. Raspail le savant ; l’homme studieux et profond était seul cité à ce tribunal, qui ne devait pas usurper les fonctions de celui où comparaît trop souvent