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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/192

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Le 17 août 1815, la pairie fut déclarée héréditaire par une ordonnance encore signée du prince de Talleyrand, « car, y disait le ministre, rien ne consolide plus le repos des états que cette hérédité de sentimens qui s’attache dans les familles à l’hérédité des hautes fonctions publiques, et qui crée ainsi une succession non interrompue de sujets. » Le 6 octobre, les princes du sang furent autorisés à siéger dans la chambre. Alors eut lieu le lugubre procès du maréchal Ney. La chambre des pairs s’associa tout-à-fait à l’esprit de réaction de cette époque. Cet esprit de réaction fut tel que lorsque la restauration, elle-même effrayée, voulut s’arrêter sous le système de M. Decazes, il fallut violemment modifier la majorité qui avait protesté contre la forme électorale et les lois les plus libérales de 1818 et de 1819. Une ordonnance du 5 mars de cette année nomma soixante pairs de France, tous pris dans le mouvement ministériel d’alors qui était une tendance haute et formelle vers l’esprit de la charte : il y avait encore quelques vieux noms, tels que le duc d’Esclignac, les marquis d’Aragon et Aramont, Raymond de Bérenger, Saint-Simon, Talhuet, La Villegontier ; mais la masse se composait d’abord de la majorité des pairs exclus en 1815, et ensuite des noms populaires, des illustrations des batailles et de l’administration, tels que Rapp, Rutty, Reille et les comtes Mollien, de Sussy, Dejean, Daru, Lacépède.

Le système change encore avec la chute de M. Decazes. M. de Villèle arrive au ministère ; avec sa sagacité habituelle, il voit bien que les opinions du parti qu’il conduit aux affaires ne peuvent triompher en l’état de la majorité de la chambre des pairs. Le 31 octobre 1822, il commence l’envahissement de la chambre des pairs par l’épiscopat ; huit prélats, les archevêques de Tours, de Sens, de Reims, puis M. de Quélen, de Boulogne, Latil, de Croy et Frayssinous, furent sacrés pair de France. Ne fallait-il pas mettre la religion dans les lois, et la congrégation dans le gouvernement ? Ensuite vinrent les promotions de chambre à la suite de la dissolution de 1823 ; les députés qui fatiguaient M. de Villèle, tels que M. Lainé, les expressions ardentes, tels que MM. de Marcellus, de Bonald et Florian de Kergorlay, furent jetés dans la pairie : quelques mois après, on récompensa les services militaires de la guerre d’Espagne, et le comte Lagarde, dépositaire des secrets de M. de Villèle dans la grande question des Cortès. L’opposition des pairs fut encore violemment brisée et monarchisée, pour me servir des mots de l’époque, par la fournée de 1827, sincère expression de la gentilhommerie religieuse et provinciale. Lorsque M. de Martignac arriva, il put à peine marcher en face d’une chambre si profondément hostile, et que conduisaient MM. Forbin des Issarts, de Peyronnet, et sous main M. de Villèle lui-même.