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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/221

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L’ARÉTIN.

par la ville. Les d’Este et les Gonzague s’appuient sur son épaule et causent avec lui. Humble pour eux, insolent pour tous, il vit de ce qu’on lui donne. Il se fait craindre par ses satires. Il aime à s’entendre traiter de médisant, de cynique et d’implacable.

Cependant il a trente-un ans. Il est temps de faire fortune. Pour attirer l’attention de Clément vii, il imprime une détestable pièce de vers[1], à la tête de laquelle il s’intitule lui-même poète divin, titre qui lui est resté : c’est l’œuvre la plus plate du monde, et l’exorde peut donner une idée de tout le poème :


« Or queste si che saran lodi : queste
« Lodi chiare saranno, e sole, e vere
« Appunto coine il vero e come il sole
, etc.


Mais il ne fallait à l’Arétin qu’une pension : il l’obtint. D’autres vers tout aussi plats, adressés à Charles-Quint, à François Ier et au chef de la daterie romaine font tomber encore quelques écus dans son escarcelle ; mais il n’a pas trouvé la veine de son talent ; il languit parmi la foule des parasites. Ne vous étonnez pas de ces minces débuts : il faut qu’il apprenne son art, et que sa vocation se révèle à lui.


En 1524, l’énergique Jules Romain, ce vigoureux élève de Raphaël, venait de dessiner seize figures plus que voluptueuses. Marc-Antoine Raimondi les grave. Elles courent la ville ; on les fait voir au grand dataire Giberti, conseiller intime de Médicis, plus sévère que son maître et qui s’effraie du scandale causé par ces images incendiaires. On cherche Jules Romain : il a pris la fuite ; le graveur seul est jeté en prison. L’Arétin emploie son crédit pour obtenir le rappel de l’un et la liberté de l’autre. Un autre Médicis, le cardinal Hippolyte, négocie l’affaire. Jules et Marc-Antoine ont leur grâce. Mais l’impudent Arétin ne s’arrête pas là : ces sujets obscènes, qui conviennent à sa vie, caressent sa pensée et éveillent sa verve ; il compose et imprime seize sonnets, explicatifs des seize figures ; pour la première fois il a du talent. Cette impudence d’un

  1. Laude di Clemente vii, Roma, 1524.