Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
242
REVUE DES DEUX MONDES.

de cet homme est unique, et son art merveilleux. Comme lorsqu’elle veut exprimer un sentiment de tristesse ou de mélancolie, cette voix vous émeut jusqu’aux larmes ! comme elle fait vibrer toutes les fibres du cœur ! Comme il sait conduire avec calme les premières mesures d’un air, et lorsque vient la fin, quel entraînement, quelle inspiration, quel incroyable élan ! Comme la roulade est pure, nette et limpide ; comme il cisèle chaque note au point d’en faire un diamant ! Rubini est un divin chanteur, et qui me semble avoir sur tous les autres une incontestable supériorité. Cependant des juges graves et savans, et dont il est peut-être imprudent de combattre l’opinion, prétendent que Tamburini est un artiste plus consciencieux, incapable de sacrifier une partie à l’autre, comme fait souvent le ténor son rival : à cela je répondrai que cette négligence est peut-être un art, et qu’il faut se garder de blâmer les nuances de son chant, puisqu’il arrive par elles à des effets merveilleux et sans exemple sur la scène.

Une émotion musicale d’un tout autre genre est celle qu’on a pu ressentir en entendant la messe de Cherubini, exécutée à l’Hôtel des Invalides à l’occasion des funérailles de Boieldieu. C’est là une œuvre d’une dimension colossale, haute de vingt coudées, et faite pour sonner sous une voûte immense avec toutes les voix du chœur et de l’orchestre. Rien n’est plus beau, plus religieux, plus sacré que l’Agnus Dei de cette messe. Le chant de plainte et de mélancolie qui s’élève et grandit d’abord, puis tombe et vient expirer sur les dernières mesures du verset, exprime avec bonheur le sentiment de la prose latine. Toute l’église s’émeut à l’admirable ritournelle du basson, et les larmes ruissellent quand cette mélodie angélique s’élève du milieu des combinaisons instrumentales, et monte vers le ciel comme afin d’aller prier avec les saintes pour le mort qu’on ensevelit ! Ce qu’il faut surtout admirer dans cette œuvre, c’est l’invention instrumentale et l’épique grandeur du style. L’exécution en a été solennellement belle. Tous les artistes de Paris s’étaient rassemblés pour rendre un dernier hommage au plus charmant compositeur de l’école française. Mlle Falcon et Nourrit conduisaient les solos. Ainsi, dans la même semaine, ces deux artistes ont aidé à la gloire naissante d’un jeune musicien, dont l’étoile se lève, et salué l’astre éteint de Boieldieu. Il est impossible de faire un plus noble emploi de son talent, et d’accomplir avec plus de dignité la religion de l’art.

W.

Madame de Sommerville.

Ce que j’aime surtout dans ce livre, c’est la simplicité. Depuis quelques années, nous avons eu tant de récits emphatiques, tant de romans gonflés de mélodrame,