Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
254
REVUE DES DEUX MONDES.

vaincrons que nos intentions sont pures, et nos recommandations fondées sur le sentiment d’une utilité mutuelle. »

À la suite de cette discussion, la mesure proposée par le ministère fut adoptée ; une réduction de 25 pour 100 fut faite sur les vins français ; les vins de Portugal furent soumis à un même droit de cinq shellings six deniers par gallon (1 fr. 51 c. par litre), et le traité de Methuen virtuellement aboli[1].

Cette administration anglaise, qu’on accuse de se faire l’égoïste et coupable héritière de la philantropie menteuse[2] de Huskisson, a l’honneur d’un des actes les plus généreux et les plus largement progressifs dont jamais gouvernement ait donné l’exemple au monde. Cet acte que nous a, pour ainsi dire, dérobé l’âcre et étroite polémique au milieu de laquelle nous étouffons ici, c’est l’émancipation des esclaves de ses colonies, achetée par l’Angleterre cinq cents millions qu’elle a ajoutés à sa dette déjà si considérable, sans que son crédit en ait souffert. L’esprit public a compris toute la portée de cette mesure, non-seulement sous le point de vue moral, mais pour le prochain affranchissement commercial des colonies, et le crédit de l’Angleterre n’a pas été altéré.

Naguère enfin, l’administration anglaise a subi la plus rude épreuve à laquelle pût être mise la sincérité de ses doctrines économiques. Attaquée sur le terrain de la législation des céréales, elle n’a pas craint, en face d’une chambre de grands propriétaires, de démontrer, par les argumens les plus précis et les plus puissans que fournissent les doctrines de la liberté commerciale, les contradictions et les fâcheux effets de cette législation[3]. Vienne le jour, et il n’est pas loin peut-être, où la couronne devra permettre enfin qu’il soit touché à l’arche sainte de la pairie ; et ce jour-là, à côté des mesures de réforme politique que l’Angleterre en attend, elle verra placer une des mesures les plus décisives de sa réforme économique, l’affranchissement de son commerce des blés. Peut-être ce dernier acte aura-t-il pouvoir de convaincre de sa sincérité les partisans du système restrictif.

Quant aux hommes que des intérêts compromis ou des passions suran-

  1. Avant le traité de Methuen, l’importation des vins français en Angleterre était de 18,000 tonneaux ; de 1821 à 1830 elle a été, année moyenne, de 1,364 tonneaux ; en 1831, année de la réduction du droit, de 2,346 tonneaux ; et en 1832, de 2,380 tonneaux.
  2. Ces termes se trouvent dans un mémoire du comité consultatif des arts et manufactures d’Elbeuf.
  3. Voir le discours prononcé par M. Powlett-Thompson, le 7 mars 1834.