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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/28

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REVUE DES DEUX MONDES.

les palmiers de Gaza, doucement agités par la brise de la nuit, répandaient dans l’air je ne sais quelle harmonie arabe que l’imagination eût prise pour la chanson mélancolique destinée à bercer le sommeil de la cité. Nous sommes venus loger dans la maison d’un chrétien grec, premier kiatib ou écrivain du mutselim, à qui j’avais été recommandé.

La route que j’ai suivie de Jaffa à Gaza était bien connue de nos vieux chevaliers. Que de croisés ont passé par ces chemins ! combien de fois ce sol a tremblé sous les pas de leurs coursiers ! Dans la troisième croisade, quel magnifique appareil devaient présenter les légions de France et d’Angleterre à travers les plaines que je viens de traverser ! Un chroniqueur qui avait suivi les bataillons chrétiens dans ces plaines, ne peut retenir son enthousiasme à la vue de ces innombrables bannières, de ces lances à pointe brillante, de ces glaives étincelans dans l’air ; les penonceaux de toutes formes, les armes de toute espèce, les riches baudriers, les abeilles voltigeant sur les diamans des casques, les lions ou les dragons dorés courant sur les boucliers, tout ce belliqueux appareil, tous ces emblèmes de la bravoure et ces signes de la chevalerie enflammaient le patriotisme du chroniqueur pélerin. Vraiment, la vieille France est bien belle quand on la voit du milieu des glorieux champs de bataille de la Palestine ! Et cette Angleterre, maintenant si dédaigneuse des croisades, elle ignore probablement que son poème épique est ici, que sa plus noble gloire est écrite sur cette terre. La grande ombre de Richard couvre tous les chemins où je passe ; il n’est pas un lieu que n’ait foulé son pied vainqueur, le héros au cœur de lion connaissait aussi bien les pays d’Ascalon ou de Gaza que les terres de Cantorbéry et de Northampton.

J’ai mis trois jours à visiter et à étudier Gaza ; je puis vous donner une idée complète de cette ville. Gaza, appelée en arabe Razzé, l’ancienne métropole des Philistins, la plus noble cité de la tribu de Siméon, célèbre autrefois par ses richesses, par de grands siéges et de grandes batailles, placée entre la Syrie et l’Égypte, et servant comme de porte à ces deux empires, conserve encore aujourd’hui une importance qu’elle doit au passage continuel des caravanes. Le passé n’a laissé à Gaza aucun monument, aucune ruine ; l’antique Gaza, effacée de la terre, a fait place à un vaste