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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/289

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DE LA RÉFORME COMMERCIALE.

duction, est-ce vraiment à la prohibition ou à la restriction de la concurrence étrangère qu’il en faut attribuer le mérite ? Je ne crains pas de porter aux partisans de ces malheureux moyens le défi de le prouver ; et ils ne prouveraient pas davantage que ce soient nos tarifs de douanes qui nous ont fait faire de si belles découvertes dans l’art de la distillation, ni tant de progrès dans la fabrication des instrumens d’optique et de précision, et dans les bronzes et dans les porcelaines, et dans les arts typographiques. Supérieurs à toute nation dans le dessin industriel, est-ce à la prohibition des dessins étrangers que nous devons notre primauté ? Et vraiment, la peinture et la sculpture, ces poétiques preuves du génie spécial d’une nation dans certains arts industriels, est-ce à nos lignes de douanes que nous devons de les voir chez nous plus avancées et plus fécondes que chez aucun autre peuple ? Si nous sommes si riches à cet égard, ne serait-ce pas qu’au lieu de prohiber Raphaël et Michel-Ange, nous avons reçu aide et protection pour étudier leurs chefs-d’œuvre, pour les transporter parmi nous, afin de susciter une constante émulation au sein d’une population faite pour les comprendre et les imiter ?

Notre belle et immense fabrication de châles, de châles de luxe et de châles à bas prix, de châles au lancé et au bouclé, et de châles imprimés, la filature et le tissage du cachemire, à quelle prohibition les devons-nous ? Quel tarif de douanes a suscité notre belle industrie des papiers peints, et celle de l’ébénisterie, et celle de la ganterie et des modes ? Les étoffes mélangées, si déjà nous y avons acquis tant de supériorité, à quelle protection en sommes-nous redevables ? Si les marchés étrangers ne sont pas couverts de nos admirables produits en ce genre, qui ne sait que c’est à la taxe sur les laines étrangères qu’il faut s’en prendre ? Les négocians de Lyon paient jusqu’à cinquante, soixante et quatre-vingt pour cent de prime pour obtenir par la contrebande des laines peignées qui n’ont pas d’analogue chez nous, et avec lesquelles, malgré ce désavantage, ils composent des articles d’exportation supérieurs à ceux de l’Angleterre dans le même genre.

Je ne sais si le tableau que je viens de présenter, si les faits que j’y ai rassemblés, et les argumens dont je les ai appuyés, porteront dans l’esprit de ceux qui me liront la conviction qui domine le mien, sur la nécessité de mettre un terme aux restrictions commerciales et à la compression de l’industrie. Souvent la raison est satisfaite et les objections sont toutes levées, et cependant on hésite encore ; la crainte d’ébranler des positions difficilement faites, de renverser des existences laborieusement construites, de tarir des sources, même factices de travail, et de laisser ainsi sans