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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/457

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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

cieux, apportant l’image d’un bonheur parfait ; souvenirs semblables à ces enfans perdus à la fleur de l’âge, et dont les parens n’ont connu que les sourires ? »

La Recherche de l’Absolu, dernière publication de M. de Balzac, n’est pas un de ses meilleurs romans ; mais à travers des circonstances fabuleuses et injustifiables, cette histoire a beaucoup de mouvement, de l’intérêt, et c’est une de celles où l’on peut le plus étudier à nu la manière de l’auteur, sa pente et ses défauts. M. Balthazar Claës, qui unit les richesses de l’antique Flandre à la plus haute noblesse espagnole, habite à Douai une maison où se sont accumulées toutes les merveilles héréditaires de ces ménages opulens. Jeune, il est venu à Paris, vers l’an 1783 ; il s’est fait présenter dans les meilleures sociétés, chez Mme d’Egmont, chez Helvetius, qui pourtant était mort depuis plusieurs années ; mais peu importe l’anachronisme. Il a même étudié la chimie sous Lavoisier, et ne s’est retiré du tourbillon mondain que pour épouser Mlle de Temninck, avec laquelle il vit dans un long et fidèle bonheur. Mais à partir de 1809, les manières de Balthazar s’altèrent graduellement ; une passion secrète le saisit et l’arrache bientôt à tout, à la société, aux tulipes, même aux joies domestiques dont il se repaissait avec candeur. Il redevient chimiste : ses premiers travaux chez Lavoisier renouvellent tout leur attrait et le sollicitent à poursuivre ; un officier polonais, qui passe à cette époque par Douai et qui cause avec Balthazar, provoque en lui cette subite révolution. M. de Balzac semble croire qu’il n’y a qu’un pas entre le goût de l’alchimie et les leçons de Lavoisier, tandis qu’il y a un abîme ; c’est comme si l’on devenait astrologue après avoir été disciple de La Place. Quoi qu’il en soit, Claës se livre, à partir de ce moment, à la recherche de l’absolu, ce qui veut dire pour lui la transmutation des métaux et le secret de faire de l’or ; il s’y oublie, il s’y acharne ; il tue de chagrin sa femme ; il s’y ruine, ou du moins il s’y ruinerait, si l’imagination du romancier ne venait sans relâche au secours de cette fortune qui se fond dans le creuset, et si la fille aînée de Claës ne réparait à temps chaque désastre, comme une fée qui étend coup sur coup sa baguette d’or. Cette maison Claës est d’ailleurs une véritable Casauba, et l’auteur y a, dès l’abord, enfoui toutes les ressources qu’il n’a fait que disperser çà et là en échan-