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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/479

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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

tous les votes. Eh bien ! la position du ministère, même avec la majorité, sera très difficile en présence d’une minorité puissante ; car il faut des actes, et quels seront-ils ?

La question législative de l’amnistie ! Mais cette amnistie sera-t-elle absolue, et la royauté, qui a le sentiment exagéré de ses périls, y consentira-t-elle ? et si elle n’y consent pas, comment sera accueillie une amnistie qui fournira des exceptions et des catégories ?

Les économies ! Mais la première des économies serait la réduction de l’armée, il n’y en a pas d’autres possibles, et la réduction de l’armée est un danger, soit par les mécontentemens qu’elle excitera, soit par le mouvement des factions que le plus faible et le plus triste des ministères peut soulever par de fausses mesures libérales.

Le rétablissement de la garde nationale dans les villes où elle est supprimée ! Est-ce que le gouvernement osera jamais mettre les armes à la main aux populations tant soit peu hostiles ? Est-ce qu’un ministère Collard tentera jamais l’anarchie, et armera ses ennemis, et cela parce qu’il est plein du sentiment de sa propre force et de sa puissance répressive ?

Quant à la chambre des pairs, je sais qu’il y a haine profonde dans ce petit parti d’avocats et de médiocrités pour les grandes existences de la pairie ; tout ce qui est un peu haut les blesse. Il y a même dans la formation du dernier ministère une inconvenance gratuite envers la chambre des pairs : le duc de Bassano seul faisait partie de cette chambre, et chacun sait la puissance qu’exerce là M. Maret ; il ne groupe pas autour de lui cinq voix ; et puis, qu’est-ce que le général Bernard en face de la pairie ? Le ministère n’aura donc aucun crédit sur cette chambre. Il n’a pas quarante voix de confiance. Je crois qu’il tient peu de compte du corps politique dont la supériorité le blesse ; cependant la pairie est un pouvoir, qu’on le détruise si l’on veut, mais qu’on ne l’humilie point ; l’humilier, c’est blesser profondément le trône lui-même, et je ne sache pas que Louis-Philippe pût le souffrir impunément. Le petit parti qui a pris le timon des affaires a créé ses catégories. Il fut un temps sous la révolution où l’on prescrivait la conspiration des hommes d’état ; en serions-nous revenus à une époque où tout ce qui a le sentiment de sa valeur, de sa probité, de ses lumières, serait forcé de quitter les affaires, et où M. Villemain lui-même déclarerait, en se retirant, que l’instruction publique ne peut appartenir désormais aux supériorités intellectuelles ?


Un pair de France.