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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/51

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Dante.

divers actes dont chacun était un progrès de la démocratie, une menace ou une précaution contre la noblesse.

À de si redoutables adversaires les Noirs, défenseurs des intérêts et des sentimens de la noblesse, pouvaient opposer plus de résistance qu’on ne l’imaginerait au premier aspect. Indépendamment de leurs propres forces, ils avaient pour eux la protection du pape.

C’était Boniface viii qui occupait alors le saint-siége. On sait la politique que suivirent à l’égard des Guelfes et des Gibelins les papes du xiiie siècle. La plupart d’entre eux, au lieu de se ranger dans l’une ou l’autre de ces deux factions, voulurent au contraire les réconcilier ou les tenir en équilibre, dans la vue de prendre sur elles l’ascendant d’une autorité italienne qui aurait remplacé celle des empereurs.

Quant à Boniface viii en particulier, il serait difficile de trouver de l’unité dans sa conduite à l’égard des factions italiennes. C’est tantôt dans des vues générales de politique pontificale, tantôt avec des prédilections et des antipathies personnelles, que nous allons le voir intervenir dans la querelle des Blancs et des Noirs ; querelle dont il ne fit que rendre, par son intervention, les chances et la crise plus violentes.

Il y avait, entre les Noirs et lui, des intelligences, des intrigues, des menées qui tendaient toutes, sinon à renverser les Blancs, du moins à restreindre et à paralyser leur pouvoir ; et ceux-ci, qui ne doutaient pas de la prédilection du pontife pour leurs adversaires, se tenaient sévèrement en garde contre lui, et se défiaient de tous ses plans.

Les choses en étaient là à Florence, au commencement de l’année 1300, lorsque survint un évènement d’assez peu d’importance en lui-même, mais que je crois néanmoins devoir raconter sommairement. Il jette d’abord un grand jour sur la politique générale des papes relativement aux républiques italiennes, et sur la politique particulière de Boniface viii, dans la querelle des Blancs et des Noirs ; il tient d’ailleurs par quelques fils à la biographie de Dante.

Au mois d’avril 1300, trois personnages résidant à Florence, et tous les trois ayant des relations intimes avec Boniface viii, furent, comme perturbateurs et conspirateurs, dénoncés au gouvernement florentin, qui leur intenta aussitôt un procès rigoureux. On ne dit pas précisément ce qu’ils avaient fait ou voulu faire ; mais tout donne à présumer qu’ils n’avaient rien tenté que de concert avec Boniface viii. Aussi, à peine informé des poursuites du gouvernement florentin contre eux, Boniface donna-t-il l’ordre de les faire cesser. On ne tint aucun compte de son ordre, et les accusés furent condamnés à d’énormes amendes. Celui des prieurs à l’instigation duquel le procès avait été intenté et poursuivi était