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POÉSIES POPULAIRES DE LA BASSE-BRETAGNE.

étaient écrits autour de son visage : — C’est vous, cloarec, qui faites couler mes pleurs !
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Et le lendemain matin, l’image était à la même place, et sur son cœur étaient écrits ces mots déchirans : — Cloarec, mon amour croît avec votre cruauté !

Et quand je revins, au milieu du jour, l’image était changée ; c’était toujours ma belle aimée ; mais elle était couverte d’un linceul, et elle avait à la main un poignard pour mourir. »

Enfin le jeune homme cède. Il laisse là ses livres et retourne vers celle qu’il n’a pu oublier ; mais son long oubli a froissé le cœur de la jeune fille ; elle le reçoit froidement et répond à ses prières avec une âcre ironie. La douleur du cloarec est d’abord vive et poignante ; mais bientôt elle prend un caractère de résignation à la fois fière et tendre ; le jeune homme se découvre devant l’enfant boudeuse, et il incline tristement son visage à demi caché sous ses cheveux flottans.

« Adieu, jeune femme, dit-il, puisque je n’ai plus de droits sur votre ame. Maintenant encore je vous dis merci, quoique je ne doive plus trouver nulle part l’accomplissement de mes vœux. Merci, car c’est vous qui avez été ma première bien-aimée. Je puis choisir encore une femme sur la terre, mais elle n’aura plus la même place dans mon cœur.

« Merci encore, merci surtout de ne m’avoir pas trompé ; car si vous m’aviez fait espérer plus long-temps votre amour, mon cœur se serait brisé lorsqu’il eût fallu se séparer de vous.

« Merci ; — maintenant du moins je n’éprouve que de la douleur.

« Je vous dis adieu, ô vous, ma plus aimée ; adieu, et que tout soit selon vos souhaits ! Pour moi, je ne verrai plus les miens accomplis. »

La jeune fille, touchée, n’en peut écouter davantage ; elle court au cloarec, le prend dans ses bras et lui crie :

« Revenez, mon serviteur, revenez à moi ; essuyez ces larmes. Vous demandez mon cœur trop tendrement. Ah ! quand je vois vos pleurs, je n’ai plus de refus.

— Oh ! bénis soient, jeune fille, l’heure et le moment où vous