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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/551

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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

nieuses qu’il a publiées sur le rôle de Tartufe ne seraient pas une preuve sans réplique. — Mais Gontier, si admiré dans le cadre étroit qu’il avait choisi, n’aurait produit, j’en suis sûr, qu’un effet très médiocre dans la haute comédie. Entre les acteurs qui ne sont pas rue de Richelieu, j’en sais un, mais un seul, qui devrait y être, et qui fournirait aux poètes et aux critiques un curieux sujet d’étude, Frédérick Lemaître. Tous les reproches qu’on peut lui faire n’altèrent pas l’incontestable originalité de son talent. Qu’il soit indocile et rebelle aux avertissemens, c’est un malheur sans doute ; mais jusqu’ici, qu’on nous le dise, de qui lui sont venues les remontrances ? Bocage et Lockroy sont à coup sûr très supérieurs aux deux tiers de la Comédie-Française ; mais, s’ils quittaient la scène où ils sont populaires, je doute fort qu’il ne perdissent pas au change. Lockroy, malgré la netteté de son intelligence, est d’une tristesse monotone : c’est une vivante élégie. Quant à Bocage, la rapidité merveilleuse de ses succès a jusqu’ici fermé ses yeux sur la véritable mission de l’acteur. Il dépèce un rôle, il l’émiette phrase à phrase, pour montrer qu’il n’en oublie rien ; il craindrait, en le composant, en soudant par sa volonté tous les détails que trop souvent le poète éparpille, de laisser dans l’ombre, ou seulement de rejeter sur le second plan, un mot qui peut être applaudi. — Après eux, je ne vois plus personne à nommer, à moins d’aller chercher, parmi ses panégyristes, Émile Taigny, qui semble à quelques vieilles femmes l’espérance de l’art dramatique, mais qui serait fort déplacé dans un rôle de Molière ou de Beaumarchais. Le satin et la poudre lui vont à merveille, je le veux bien ; mais, fût-il le plus beau cavalier du monde, il aurait encore beaucoup à faire pour devenir un acteur passable.

Parlerai-je de Mme Volnys et de Mme Albert ? Il n’y a rien à en dire, sinon qu’elles sont fort au-dessous de Mme Théodore qui, certainement, ne se serait jamais risquée à la Comédie-Française. — Mme Allan mérite seule une exception ; elle a souvent fait preuve d’une grande finesse, et son absence est à regretter.

Je reviens à la rue Richelieu. À Dieu ne plaise que j’entreprenne l’analyse individuelle des cinquante-deux acteurs qui se partagent les deux cent mille francs de M. Thiers ; la tâche serait au-dessus de mes forces, et surtout au-dessus de mon savoir. Les trois