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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/604

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mité, et dut être naturellement en première ligne dans la combinaison d’un nouveau cabinet.

M. Persil, ainsi chargé par le roi de pressentir quelques hommes politiques, se rendit chez son ami M. Dupin aîné. Il était onze heures et demie du soir ; M. Dupin se trouvait tout bourgeoisement en bonnet de coton, prêt à se mettre au lit. M. Persil se lamenta vivement sur la conduite de ses collègues : « il faut en finir avec ces hommes-là, s’écria-t-il, je viens d’être témoin de toutes leurs jactances. Les choses sont prêtes : Teste a envoyé un exprès à M. Passy ; tous seront ici demain à huit heures ; « et puis avec sa vieille familiarité du barreau, il ajouta : Le roi me charge de savoir si tu veux être garde des sceaux. — La plaisanterie est trop forte, répondit M. Dupin ; tu veux donc que je te remplace ? Sur ce premier refus, la conversation s’engagea entre les deux anciens collègues du conseil de discipline ; on parla de la position dans laquelle se trouvait le roi, et de la nécessité de se débarrasser des doctrinaires. M. Dupin, invité à s’expliquer sur les hommes parlementaires qui pouvaient entrer dans une combinaison, se tint dans des généralités, et pourtant il signala quelques-uns de ses amis politiques, et des hommes bien posés dans la couleur de ses opinions. MM. Passy et Teste étaient indiqués. M. Dupin s’est beaucoup défendu d’avoir recommandé son frère. J’admets donc que M. Charles Dupin ne dut qu’à son mérite le poste de ministre de la marine : c’était un choix si naturel dans la hiérarchie des talens et de l’administration !

Le lendemain, à huit heures il y eut en effet réunion chez M. Dupin aîné. Indépendamment des noms indiqués par M. Persil, on y avait appelé M. Calmon ; des instances furent faites auprès de lui, pour qu’il acceptât le ministère des finances ; jamais M. Dupin n’avait été plus pressant et plus vif d’expressions. Sur le refus de M. Calmon, on revint à M. Passy pour les finances, et la liste des noms ministériels fut à peu près arrêtée. M. Dupin a fait nier cette circonstance ; mais M. Dupin doit savoir qu’il est aussi prompt à écrire qu’à parler : que dirait-il si on lui montrait sa correspondance autographe et une certaine liste ministérielle écrite de sa main, et qui est au pouvoir d’un illustre maréchal ? J’en suis sûr, ce n’est pas M. Dupin qui provoquera à ce sujet une explication dans la chambre.

Lorsque M. le duc de Bassano se rendit aux Tuileries à la suite de l’invitation pressante que le roi lui envoya par M. de Montalivet, il trouva Louis-Philippe dans une situation d’esprit très remarquable ; le roi paraissait avoir tout-à-fait rompu avec les doctrinaires ; il se complaisait à raconter, à exagérer même toutes les circonstances de la dernière séance du conseil qui avait amené la rupture entre lui et M. Guizot. Le roi déve-