Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
Dante.

pardonnaient pas à ceux qui la redoutaient de l’avoir empêchée. Un combat s’engage entre les plus emportés des deux partis ; en peu d’instans, le peuple entier se pousse à la mêlée qui remplit bientôt les rues et les places. Les Noirs, pressés de tous côtés par le flot toujours croissant de leurs ennemis, étaient sur le point d’être vaincus, lorsqu’un incendie, plus horrible encore que la bataille, dont il suivait les traces et le tumulte, chasse rapidement les combattans devant lui, et les disperse, sans leur laisser le temps de frapper les derniers coups.

Cet incendie était l’œuvre des Noirs qui, ayant besoin d’une diversion, avaient imaginé celle-là. Le feu dura huit jours entiers, et consuma près de deux mille maisons ; c’était une grande partie de Florence. Les partisans des Blancs, stupéfaits, déconcertés, ne songèrent plus à combattre, et les Noirs ne leur laissèrent pas le temps de revenir de leur stupeur, ils furent condamnés en masse, et allèrent rejoindre dans l’exil ceux qu’ils avaient voulu en rappeler. Ce fut là l’unique résultat de la mission pacifique du cardinal de Prato. Mais cette fois, du moins, ce n’était pas le pacificateur qui avait fait la guerre ; ce n’était pas l’agent du pontife romain qui avait trahi et proscrit.

Informé de ces déplorables évènemens, Benoît xi en fut navré de douleur. Il manda auprès de lui, pour rendre compte de leur conduite, les principaux meneurs du parti des Noirs, et ses injonctions furent si vives, qu’ils n’osèrent pas y résister : ils partirent aussitôt pour Pérouse, où était la cour pontificale.

Le cardinal de Prato, qui croyait permis d’employer la ruse et la fraude, pourvu que ce fût à l’avantage du plus faible contre le plus fort, ne fut pas plus tôt informé du départ des chefs des Noirs, qu’il en donna avis aux Blancs-Gibelins d’Arezzo, les exhortant à profiter du moment où leurs ennemis étaient absens de Florence, pour tenter sur cette ville un brusque et vigoureux coup de main. L’avis parut bon aux chefs des Blancs, qui, sans perdre un moment, et dans le plus grand secret, se mirent à rassembler des forces suffisantes pour tenter le coup proposé. Au bout de deux jours, ils avaient réuni neuf mille piétons et seize cents cavaliers. Le lendemain, à l’entrée de la nuit, ils étaient à Trespiano et à la Lastra, presque aux portes de Florence, sans que le bruit de leur marche eût jusque-là pénétré dans la ville.

Malheureusement pour eux, ils passèrent la nuit, dans cette position, à attendre des renforts qui ne vinrent pas, et ils donnèrent ainsi aux Florentins le temps de faire quelques préparatifs de défense. Personne n’aurait pris les armes contre les Blancs ; mais on craignait leurs alliés les Gibelins, et l’on était disposé à résister.