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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/89

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Dante.

pereur Henri vii, et Robert y avait envoyé, comme son lieutenant, un certain Rinieri di Civitta-Vecchia, qui, en cette qualité, y avait la haute main dans toutes les affaires judiciaires ou politiques.

Ce fut ce Rinieri qui se chargea de répondre à la lettre de Dante. Il y répondit au mois d’octobre 1315, par un jugement qui confirmait toutes les sentences d’exil précédemment rendues contre notre poète, et particulièrement la première, celle prononcée par le podestat, Cante de’ Gabrielli, au mois de mars 1302.

Dante ne fut probablement ni surpris ni troublé d’une décision qu’il avait provoquée. Mais des revers plus imprévus l’attendaient à Lucques. La fortune de son dernier patron, d’Uguccione della Faggiuola, avait été brillante, mais elle n’avait ni base ni racine ; elle ne fut qu’un rêve éblouissant. Au commencement de 1316, un Lucquois, le héros de Machiavel, le fameux Castruccio Castreane, long-temps exilé comme Guelfe, avait enfin obtenu d’être rappelé à Lucques, et s’y était bientôt refait un parti puissant, à la tête duquel il s’empara du gouvernement, et en chassa les agens d’Uguccione. Celui-ci, se trouvant pour lors à Pise, ne put pas même essayer de se défendre, et fut réduit à s’enfuir précipitamment de la Toscane. Il se retira à Vérone chez Can Grande della Scala, qui l’employa comme général de ses milices, et au service duquel il mourut au bout de deux ou trois ans.

Cette chute si brusque d’Uguccione obligeait Dante à chercher un nouvel asile ; il se décida à se rendre, de son côté, chez Can Grande, où il paraît qu’il arriva sur les traces d’Uguccione, et peut-être par son intervention. J’ai déjà eu l’occasion de nommer Can Francesco della Scala ; mais, au moment où notre poète contracte avec lui des liaisons intimes, et dont il est resté des traces, je dois en parler avec un peu plus de détail et d’une manière plus explicite.

Alberto della Scala, seigneur ou capitaine de Vérone, mort en 1301, avait laissé trois fils, Bartolomeo, Alboino et Cane, qui lui succédèrent l’un après l’autre. Dante avait déjà reçu l’hospitalité des deux premiers, il avait déjà vu auprès d’eux Can Francesco, leur frère ; mais Can Francesco n’était alors qu’un jeune homme sans renommée et sans pouvoir, avec lequel Dante n’avait formé aucune liaison. C’était à la descente de l’empereur Henri vii en Lombardie que Cane avait commencé à jouer un rôle dans les affaires, et à donner des marques de sa haute capacité. Son frère Alboino se l’était adjoint au gouvernement de Vérone, et ils avaient l’un et l’autre obtenu de Henri vii le titre de ses vicaires, dans les pays qu’ils gouvernaient.

En 1311, Alboino étant mort, Can Francesco était resté l’unique héri-