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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/107

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LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

clergé, la noblesse et les communes, et les ambassadeurs quittèrent Lisbonne au moment où les derniers transports anglais s’éloignaient de la rade. Les élections eurent lieu partout sous l’empire d’une exaltation trop énergique pour permettre même à l’opposition de s’y montrer. Le mouvement miguéliste, un instant arrêté par la redoutable insurrection militaire de Porto, se continua dès-lors avec une sorte de régularité imposante. Le procureur de la couronne et le procureur des cortès exposèrent alternativement le droit antique du royaume, et un vote unanime éleva l’infant don Miguel sur le trône des Alphonses et des Emmanuels[1].

On ne saurait douter que cet acte ne fût conforme aux vœux de la très grande majorité numérique. Les acclamations qui le suivirent constatent trop qu’en repoussant un système d’innovations administratives et politiques pour ressusciter le régime sous lequel il végétait depuis deux siècles, cette assemblée exprima les véritables sentimens du Portugal. La couronne que le peuple de Lisbonne plaça au front de don Miguel, fut une couronne nationale, et la souveraineté populaire sacra ce prince de son sceau redoutable. Il convient d’ajouter, d’ailleurs, quelle qu’ait été l’origine tumultueuse de cette assemblée, que ses membres, pour les trois états, étaient, à quelques exceptions près, les hommes les plus importans du clergé, de la noblesse et de la magistrature provinciale.

Par un contraste qui caractérise à lui seul la situation des esprits et des intérêts dans les deux royaumes de la péninsule, l’aristocratie ralliée, en Espagne, à la cause d’Isabelle II, appuya presque tout entière, en Portugal, l’avènement de don Miguel[2]. Celui-ci délivrait, en effet, la noblesse provinciale d’une pairie odieuse dès que l’accès lui en était interdit ; et, d’un autre côté, en compensation d’une importance politique à laquelle la grandesse portugaise renonça vite, il lui rendait sécurité pour sa fortune, bien plus étroitement liée qu’en Espagne au maintien du régime absolu.

À l’exception de la division qui s’insurgea à Porto, et dont la révolte fut promptement apaisée, l’armée suivit le mouvement lorsqu’elle ne le provoqua pas. Appuyé sur elle, sur la noblesse et sur le peuple, n’inspirant pas à la masse de la bourgeoisie provinciale les antipathies qu’un tel ordre de choses soulèverait en France, don Miguel n’avait donc contre lui que le commerce et la finance de la capi-

  1. 11 juillet 1828.
  2. Des quatre-vingt-dix pairs nommés par don Pedro, quatorze seulement s’abstinrent de signer l’acte d’acclamation du 11 juillet.