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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/112

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REVUE DES DEUX MONDES.

et cette conjecture sembla tirer quelque consistance de la froideur témoignée à la jeune reine lorsqu’elle quitta la terre de France, qui jusqu’alors lui avait été si hospitalière. En ne discutant un tel projet que comme une pure hypothèse, on aurait lieu sans doute de rendre grace à la bonne fortune de la France des obstacles devant lesquels il aurait avorté. Se créer en Portugal des intérêts complètement factices, s’engager d’avance contre les éventualités d’avenir qui peuvent modifier la situation territoriale de la Péninsule d’une manière aussi heureuse pour ses deux peuples qu’utile à l’influence française ; inquiéter sans motif l’Angleterre en tentant à Lisbonne ce que nous n’avons le droit de vouloir qu’à Madrid, c’eût été se créer des embarras gratuits, auxquels la France n’eût trouvé qu’une compensation dérisoire dans le droit concédé à l’un de ses princes de se tenir sur les marches d’un trône sans y monter.

Pour quiconque avait suivi d’ailleurs les évènemens, pour qui avait pu apprécier le caractère portugais, singulier mélange de mobilité et d’apathie, qui, à de longs jours de calme, fait succéder de soudaines et inexplicables colères, il était d’avance démontré que l’établissement d’un régime constitutionnel régulier rencontrerait dans ce pays de très longs et très redoutables obstacles. Aussi ne nous a-t-il pas été possible de lire sans sourire, dans les discours officiels de la jeune reine et les exposés de ses ministres, peu après la délivrance du territoire, l’annonce de plans merveilleux pour restaurer soudain le crédit, l’industrie, l’agriculture, l’instruction publique, etc.

Si, dans les prévisions financières, on confessait un déficit égal au tiers au moins des recettes[1], on ne déclarait pas moins que, par suite de l’établissement d’un gouvernement représentatif, la richesse publique allait suivre une progression tellement rapide, qu’il n’y avait pas à s’en préoccuper un instant. Les cortès n’allaient-elles pas pouvoir disposer d’une masse énorme de biens nationaux et de la couronne ; une foule de commanderies n’allaient-elles pas faire retour au trésor public, et la refonte du vieux système de perception n’aurait-elle pas bientôt doublé toutes les recettes ? Devant un si brillant avenir, il fallait faire face à tout par le crédit, sans qu’il fût nullement nécessaire d’augmenter les charges publiques. Bien plus, selon le ministère, le gouvernement devait prendre l’initiative de toutes les grandes entreprises ; aussi ne réclamait-il rien moins que l’autorisa-

  1. Présentation du budget de 1835 par le ministre des finances, M. Carvalho.