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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/12

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REVUE DES DEUX MONDES.

en jouait une imitation à Paris vers 1664, et faisait fureur. C’est probablement la comédie du monde qui a été représentée le plus souvent. C’est qu’il y a le diable et l’amour, la peur de l’enfer et une passion exaltée pour une femme, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus terrible et de plus doux aux yeux de tous les hommes, pour peu qu’ils soient au-dessus de l’état sauvage.

Il n’est pas étonnant que la peinture du don Juan ait été introduite dans la littérature par un poète espagnol. L’amour tient une grande place dans la vie de ce peuple ; c’est, là-bas, une passion sérieuse et qui se fait sacrifier, haut la main, toutes les autres, et même, qui le croirait ? la vanité ! Il en est de même en Allemagne et en Italie. À le bien prendre, la France seule est complètement délivrée de cette passion, qui fait faire tant de folies à ces étrangers : par exemple, épouser une fille pauvre, sous le prétexte qu’elle est jolie et qu’on en est amoureux. Les filles qui manquent de beauté ne manquent pas d’admirateurs en France ; nous sommes gens avisés. Ailleurs, elles sont réduites à se faire religieuses, et c’est pourquoi les couvens sont indispensables en Espagne. Les filles n’ont pas de dot en ce pays, et cette loi a maintenu le triomphe de l’amour. En France, l’amour ne s’est-il pas réfugié au cinquième étage, c’est-à-dire parmi les filles qui ne se marient pas avec l’entremise du notaire de la famille ?

Il ne faut point parler du don Juan de lord Byron, ce n’est qu’un Faublas, un beau jeune homme insignifiant, et sur lequel se précipitent toutes sortes de bonheurs invraisemblables.

C’est donc en Italie et au xvie siècle seulement qu’a dû paraître, pour la première fois, ce caractère singulier. C’est en Italie et au xviiie siècle, qu’une princesse disait, en prenant une glace avec délices le soir d’une journée fort chaude : Quel dommage que ce ne soit pas un péché !

Ce sentiment forme, suivant moi, la base du caractère du don Juan, et, comme on voit, la religion chrétienne lui est nécessaire.

Sur quoi un auteur napolitain s’écrie : « N’est-ce rien que de braver le ciel, et de croire qu’au moment même le ciel peut vous réduire en cendre ? De là, l’extrême volupté, dit-on, d’avoir une maîtresse religieuse, et religieuse remplie de piété, sachant fort bien qu’elle fait mal, et demandant pardon à Dieu avec passion, comme elle pèche avec passion[1]. »

    nait à l’ordre de la Merci, et l’on a de lui plusieurs pièces où se trouvent des scènes de génie, entre autres le Timide à la cour. Tellez fit trois cents comédies, dont soixante ou quatre-vingts existent encore. Il mourut vers 1610.

  1. D. Dominico Paglietta.