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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/141

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REVUE ÉTRANGÈRE.


restèrent pendant plus de deux mois avec fort peu de progrès. Ce ministère était forcé de désavouer les moyens et les instrumens de la révolution de la Granja, en justifiant la révolution elle-même ; il demandait l’appui de la France, en se laissant aller aux plus étranges illusions sur le peu de stabilité qu’il attribuait à son gouvernement ; il voyait sortir de l’Espagne tous les hommes éminens de la cause constitutionnelle, qu’il se reconnaissait impuissant à protéger contre les aveugles fureurs de la populace. Les soldats de la Granja effrayaient Madrid par leur indiscipline et l’extravagance de leurs prétentions. L’esprit public était assiégé de mille terreurs ; mille projets incohérens, mille ambitions avides se heurtaient dans le sein du parti vainqueur. On croyait une grande puissance aux sociétés secrètes ; on redoutait tous les jours quelque mouvement séditieux, arrêté la veille, disait-on, dans leurs conciliabules. On ne savait pas si la reine Christine conserverait la régence, et il était question de lui adjoindre ou de lui substituer cinq régens, pris dans les sommités de l’opinion démocratique. Enfin le trésor était vide ; Gomez paraissait aux portes de Madrid ; une foule d’officiers-généraux et d’officiers donnaient leur démission, plusieurs corps d’armée ne conservaient qu’un simulacre d’existence ; résistait au gouvernement qui voulait, et l’enthousiasme menteur des provinces, où la population tout entière brûlait de se précipiter en masse sur les factieux, se dissipait en bravades ridicules et en séditions sans gloire comme sans danger. Trois grandes mesures furent prises au milieu de ce chaos, une levée de cinquante mille hommes avec faculté de s’exempter du service moyennant une certaine somme d’argent, la mobilisation de tous les gardes nationaux célibataires de dix-huit à quarante ans, une contribution extraordinaire, ou emprunt forcé, de 200,000,000 de réaux (50,000,000 de francs). Nous ne voulons pas condamner ces mesures. Il fallait bien, d’une manière ou d’autre, se procurer de l’argent, il fallait bien recruter l’armée, il fallait bien opposer des forces

    réprimé un soulèvement dont M. Lopez était le chef principal, et quoique tout s’oublie en politique, il était difficile que l’ardent tribun de 1835 siégeât dans le même conseil auprès de l’homme qui avait eu à combattre sa fougue révolutionnaire. D’ailleurs M. Lopez embarrassait souvent ses collègues, qu’il n’estimait pas, et deux ou trois discours extravagans l’avaient perdu dans l’opinion publique. Après avoir donné sa démission, M. Lopez s’est mis aussitôt à la tête de l’opposition, qui l’en a récompensé en lui donnant toutes ses voix pour la présidence des cortès, à l’élection du mois d’avril ; mais la majorité a manifesté son éloignement pour l’ex-ministre en portant ses suffrages sur un autre candidat. M. Pio Pita, chef politique de Madrid, homme intègre, mais dur, a remplacé M. Lopez au ministère de l’intérieur.