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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/168

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REVUE DES DEUX MONDES.

avait suffi à produire des strophes, il a été vaincu par l’humanité qu’il ne connaissait pas ; il n’a pu deviner, par la seule combinaison des mots qui lui obéissaient, les caractères qu’il n’avait pas étudiés.

S’il faut, comme nous le croyons, rapporter à la nature même des odes de M. Hugo l’insuffisance épique et l’impuissance dramatique de l’auteur, la logique prescrit évidemment d’étudier avec un soin particulier chaque nouveau volume d’odes que M. Hugo publie. Le titre donné au dernier volume que nous avons sous les yeux nous avait fait concevoir une espérance qui ne s’est pas accomplie. En voyant l’auteur de tant d’odes splendides consentir à baptiser un recueil lyrique du nom de Voix intérieures, nous avions pensé qu’il se rendait enfin aux avertissemens que la critique ne lui a pas ménagés depuis les Orientales, c’est-à-dire depuis neuf ans ; il nous était permis, sans présomption, de croire que M. Hugo apercevait tout le néant de la poésie purement extérieure, et comprenait la nécessité d’interroger sa conscience plus souvent que ses yeux ; le succès des Feuilles d’automne semblait se réunir à la critique pour le décider à ce dernier parti ; mais le nouveau recueil n’est pas fidèle au baptême qu’il a reçu. Les Voix intérieures, telles que M. Hugo les explique et les définit dans la préface de son volume, n’appartiennent, à proprement parler, ni au monde, ni à l’homme, ni au spectacle extérieur, ni au spectacle intérieur, mais ne sont qu’un chuchotement, un murmure, un dialogue insaisissable entre l’homme et les choses, entre la créature et la création. Quoique ce dialogue ne soit pas absolument dépourvu de réalité, il était difficile à M. Hugo d’y trouver la matière de trois mille vers. Pour l’entendre, pour l’exprimer, il eût fallu être familiarisé de longue main avec l’analyse des sentimens et des idées ; il eût fallu avoir vécu avec l’homme plus intimement qu’avec les choses, et c’est précisément ce que M. Hugo a négligé jusqu’ici. Aussi, quoique les Voix intérieures soient, à mon avis, très supérieures aux Chants du crépuscule, quoique le dernier recueil ait sur le précédent un avantage positif, quoiqu’il offre une sorte d’unité implicite, je suis forcé de reconnaître qu’il ne dépasse pas les Feuilles d’automne par le côté humain, et que, pour l’éclat extérieur, il reste souvent au-dessous des Orientales. Pour dire toute notre pensée, nous ajouterons que les Voix intérieures ne nous apprennent rien sur M. Hugo, c’est-à-dire n’élargissent pas d’une ligne la gloire qui lui appartient. Avec l’habileté consommée qu’il possède, rompu comme il l’est à toutes les ruses de la versification, il lui sera facile de publier, tous les deux ans, un recueil pareil aux Voix intérieures ; mais cette fécondité sera