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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/175

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LES VOIX INTÉRIEURES.

curcit la pensée de l’auteur. C’est un modèle que M. Hugo devrait relire, au moins une fois chaque semaine, pour s’habituer à la concision.

La Vache, aussi bien que la pièce adressée à Virgile, démontre, sans retour, que M. Hugo n’arrivera jamais à la simplicité antique. L’idée de la Vache est grande et belle ; mais l’exécution est loin de répondre à la conception. Figurer l’éternelle bonté de la nature, l’éternel abri qu’elle offre à l’humanité, tour à tour ingrate et furieuse, par les puissantes mamelles sous lesquelles se jouent des enfans demi nus, et que tourmentent leurs mains et leurs lèvres impatientes, est assurément une donnée féconde, digne d’exercer les plus habiles, et que l’auteur des Géorgiques eût traitée avec bonheur. Mais M. Hugo charbonne la face des marmots, emplit leurs cheveux de broussailles, et couvre de boue les mamelles ruisselantes. Non-seulement ces ignobles détails sont condamnés par le goût antique, mais ni Rubens, ni Paul Potter, que personne n’a jamais accusés de répudier la réalité, n’eussent commis une pareille faute.

Le Passé exprime heureusement l’impression mélancolique éprouvée par le poète qui parcourt, avec une femme préférée, les allées d’un vieux château, autrefois animées par les amours royales. Le souvenir des entretiens mystérieux qui n’avaient pour témoins que le feuillage des allées et le bronze des tritons couchés au bord des bassins, est retracé avec une émotion vraie. Je n’aime pas l’expression conquête féodale, appliquée à une femme jeune et belle qui entrait en disant : Sire, et partait en disant : Louis. Il est fâcheux que la rime ait ainsi dénaturé la pensée de l’auteur. Mais j’ai vu, avec plaisir, dans cette pièce, l’homme animer les choses, au lieu de se confondre avec elles.

La Soirée en mer peint fidèlement ce qui se passe en présence d’un spectacle unique, dans l’ame instruite par le malheur et dans l’ame rivée à l’ignorance par un bonheur constant. Le poète a tiré bon parti de cette éternelle opposition. Je regrette seulement qu’il n’ait pas su s’arrêter à temps. L’idée, d’abord claire et précise, au lieu de s’expliquer par une évolution savante, s’émiette et vole en poussière ; et pourquoi ? parce que M. Hugo n’a pas voulu la quitter avant de l’avoir épuisée, parce qu’il n’a pas voulu lui dire adieu avant de l’avoir terrassée sous ses caresses. Avec moins de mots, il lui eût été facile de dire davantage.

La pièce à un Riche exprime aussi bien que la Soirée en mer une idée vraie ; personne ne contestera que l’intelligence de la nature, la