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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/213

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DE LA RUSSIE.

pereur Nicolas, à l’esprit russe qu’il montre, à l’ardeur avec laquelle il favorise les progrès de l’industrie. Du jour où un souverain russe commencerait une guerre d’agression qui semblerait injuste ou défavorable au commerce, du jour où il s’inquiéterait des suites que peut avoir l’extension de l’industrie, Moscou, dominée par ses nouveaux intérêts, opposerait de sérieux obstacles au gouvernement. Aussi, Moscou, comme capitale industrielle de la Russie, est la meilleure de toutes les garanties contre les vues d’envahissement et les projets agressifs du gouvernement russe (s’il en avait) à l’égard de l’Europe.

On peut juger de l’esprit public de Moscou et des villes commerçantes de la Russie par le fait suivant.

L’amour du souverain et l’approbation qu’on donne généralement à ses vues, vont bien jusqu’à lui voter des dons volontaires au besoin, comme firent au mois de juin dernier, à Nijni-Novogorod, les marchands qui votèrent 1,000,000 et demi de roubles pour les quais du Volga que l’empereur a conçus dans son voyage. Mais l’empereur, qui trouverait ainsi plusieurs millions, n’a pas pu réaliser un emprunt en Russie. Au milieu de la plus grande prospérité financière, son gouvernement manque de crédit, car l’esprit mercantile des Russes est trop juste pour admettre que l’arbitraire et le crédit puissent marcher ensemble. Si donc on voulait dominer l’Europe par les armes et par la guerre, il faudrait consentir à limiter un pouvoir qui, malgré toutes les institutions dont je viens de tracer le tableau, est encore assez absolu pour se livrer à un acte tel celui que je vais citer. Quand l’empereur voulut subvenir aux frais immenses du camp de Kalish, il s’adressa, m’a-t-on dit, au ministre des finances, qui fut obligé de taxer d’un droit extraordinaire de 12 et demi pour 100 les marchandises déposées à la douane de Saint-Pétersbourg. — On doit être frappé, en jetant un regard sur l’organisation intérieure de la Russie, telle que je viens de la développer, de la difficulté de lever de nouveaux impôts sur le sol, sans détruire les priviléges de la noblesse et d’une grande partie de la bourgeoisie. Les besoins toujours renaissans du gouvernement (la marine créée par l’empereur Nicolas absorbe des sommes immenses) ne peuvent donc se satisfaire qu’aux dépens du commerce. Or, pour soutenir le commerce et lui donner le moyen de s’enrichir, il faut créer un crédit public, et lui ouvrir des débouchés, et ces deux choses ne se feront qu’en limitant le pouvoir suprême et en augmentant les relations de la Russie avec l’Europe, c’est-à-dire en marchant dans un sens diamétralement opposé à celui dans lequel l’empereur Nicolas s’est