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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/223

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DE LA RUSSIE.

Sans doute, une guerre d’intérêts nationaux permettrait au gouvernement russe de dégarnir ses lignes militaires et ses provinces ; mais le développement irréfléchi de ses forces dans une simple guerre d’ambition, dans une querelle de gouvernement, lui causerait de grands embarras, surtout si, comme dans les guerres de Turquie et de Pologne, la première campagne s’ouvrait sous de fâcheux auspices.

Il y a donc deux manières d’envisager la situation de la Russie, et l’emploi qu’elle peut faire de ses ressources. Si l’empereur avait le dessein d’étendre indéfiniment son empire, de conquérir la Perse, de s’emparer de la Turquie d’Europe, d’imposer ses idées politiques à l’Occident, et de tout dominer par les armes, l’empereur serait, de tous les souverains de l’Europe, celui qui aurait le moins le pouvoir de réaliser ses plans. Tout lui serait obstacle, et pour quelques ambitions que la sienne caresserait dans son armée et dans sa flotte, il verrait s’élever contre lui, au sein même de son empire, des oppositions de toute nature, oppositions d’hommes et de choses qu’il lui serait impossible de surmonter. Voilà donc dans quel cas on ne doit ni prévoir ni redouter la possibilité d’une guerre avec la Russie. Au contraire, s’il s’agissait de défendre son territoire menacé, tout seconderait l’empereur, comme aussi s’il s’agissait de faire une guerre maritime ou autre pour la défense des intérêts commerciaux de la Russie. Je ne parle pas de la Pologne, où résidait une question vitale pour l’empire russe, où il s’agit de l’honneur du nom russe et de la dignité de cette nation ; mais c’est de ce point de vue de l’intérêt matériel, et uniquement de ce point de vue, qu’il convient de juger la question d’Orient, et, je crois, à peu près toutes les questions qui s’élèveront pendant bien long-temps entre la Russie et le reste de l’Europe, particulièrement entre la Russie et la France, entre la Russie et l’Angleterre. Déjà l’alliance de la Prusse et de la Russie, cette alliance fondée sur des liens de famille et une étroite conformité de vues politiques, se relâche par l’effet des intérêts commerciaux. La Russie exportait ses grains par Dantzig et par Thorn. La Prusse, devenue plus agricole, a fermé ces issues à la Russie. La Prusse, de son côté, faisait un libre commerce avec la Chine par Kiachta, et la Russie lui accordait le transit, ainsi qu’au reste de l’Allemagne. La Russie, devenue plus industrielle, a établi des comptoirs à Kiachta, ses marchands viennent eux-mêmes chercher le thé sur le territoire chinois. Elle a donc fermé la route des frontières chinoises à la Prusse. De nombreuses difficultés sont nées de cette situation, et un conseiller d’état prussien, M. de Westphalen, envoyé à Saint-Pé-